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le mal qu’ils feraient à la race humaine tout entière, s’ils parvenaient à dissoudre le seul gouvernement qui ait fondé et su faire vivre la liberté et l’égalité. M. Seward est revenu à cette grande conception de la vertu cosmopolite des institutions américaines dans le discours qu’il a prononcé récemment à Auburn. Il serait puéril de voir dans cette idée que M. Seward nourrit de la force de propagande de la démocratie une taquinerie à l’adresse de tel ou tel gouvernement à propos de tel ou tel accident dont le continent américain peut être passagèrement le théâtre. Il n’y a là qu’une haute espérance fondée sur l’influence morale de la démocratie. Les météorologistes politiques voudraient-ils d’ailleurs contester que, dans ce temps où les vieilles têtes politiques de l’ancien monde disparaissent l’une après l’autre et où tant de choses nouvelles sont en préparation, un fait tel que le rétablissement de la démocratie américaine, sortie victorieusement de la crise la plus redoutable qu’elle pût traverser, doive demeurer sans influence sur les autres sociétés politiques où la démocratie poursuit encore avec des chances diverses son travail militant ? e. forcade.


AFFAIRES DE LA PLATA.

Les bords de la Plata ont été si souvent troublés par des luttes sanglantes, que les événemens dont ils sont aujourd’hui le théâtre n’attirent que faiblement l’attention de l’Europe, préoccupée de reste par les faits plus graves encore qui se passent au centre même du vieux monde ou dans le nord du continent américain. La guerre que le Brésil, uni à Montevideo et à Buenos-Ayres, entreprend contre le Paraguay soulève cependant, même au point de vue européen, des questions trop sérieuses pour qu’on ne doive pas suivre avec soin les développemens inattendus qu’elle prend chaque jour.

Une puissance à laquelle la faiblesse de ses voisins donne une force prépondérante dans ces parages a pénétré de nouveau dans ce bassin de la Plata où la ramènent de nombreux souvenirs de son histoire, mais d’où elle semblait s’être sagement retirée depuis quelques années. Le gouvernement brésilien s’est attaqué d’abord au premier des états riverahis qu’il a rencontrés sur son passage, — l’état de Montevideo, petite république commerçante, assez semblable aux anciennes républiques italiennes, enrichie comme elles par sa marine marchande, et se composant uniquement d’une ville principale avec quelques provinces soumises, sorte de banlieue tributaire. Saisissant l’éternel prétexte qui sert dans l’Amérique espagnole à motiver et à justifier toutes les guerres, le cabinet de Rio a fait inopinément présenter au gouvernement de l’Uruguay une série de réclamations formées par des Brésiliens établis dans le nord de la Bande-Orientale.

La république de Montevideo a contenu de tout temps deux partis rivaux,