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pour préparer et proposer les mesures les plus utiles au pays. » Voilà la parole d’un véritable homme d’état moderne, et on est forcé d’avouer en l’écoutant que les peuples où ne peut se former, faute des libertés nécessaires, l’imposant fonds commun des opinions publiques ne sont plus] que des traînards de la civilisation. M. Gladstone a peu tardé, après la mort de lord Palmerston, à s’emparer de l’attention générale. À Glasgow, trois discours radieux en une journée ; à Edimbourg, une vaste et belle harangue, où se mêlaient l’art, la poésie, la philosophie, sur la mission qu’a remplie la Grèce dans l’histoire de l’humanité. Ces discours ont été nourris de cette abondance qui distingue M. Gladstone et ont été relevés d’une bonne grâce particulière. Nous avons vu avec plaisir que l’orateur, après avoir fait allusion à, la perte de lord Palmerston, a réparé un peu l’injustice que commettait l’Angleterre dans les hommages exclusifs qu’elle vient de rendre à cet homme d’état. M. Gladstone a rappelé le souvenir de ces nombreux hommes politiques qui sont morts depuis peu d’années à la tâche des réformes politiques et économiques. Il a parlé de lui-même avec une modestie joviale, reprochant à l’auditoire qui l’applaudissait de faire de lui le scape-goat, le bouc émissaire, de toutes les mesures heureuses qui ont été accomplies en Angleterre ; puis il a entonné le dithyrambe obligé à propos de cette ère des réformes anglaises dont nous résumions ici, il y a quinze jours, les principaux traits. Quant à la politique future du nouveau cabinet, M. Gladstone n’en a pas dit grand’chose, et l’on conviendra que la réserve et la discrétion lui étaient de toute façon imposées. Le ministère, avec lord Russell à sa tête, n’est pas encore constitué ; on voudrait le fortifier en augmentant le nombre des membres du cabinet appartenant à la chambre des communes. L’œuvre, paraît-il, n’est point aisée. On voit trois membres des communes qui sont à l’écart de l’administration et que l’opinion juge dignes d’occuper d’importans ministères : ce sont M. Horsman, M. Lowe et lord Stanley ; mais il ne faut pas penser à lord Stanley, qui est un des chefs de l’opposition. Quant à M. Horsman et à M. Lowe, ils se sont prononcés avec énergie contre les projets de réforme électorale, et ils ne semblent pas pouvoir s’entendre avec M. Gladstone. Si le cabinet se décidait à une politique franchement réformiste, il pourrait faire des recrues importantes dans les rangs les plus avancés du parti libéral, où M. Forster, M. Stansfeld et M. Goschen sont des candidats désignés aux fonctions officielles. Le duc de Sommerset a résigné ses fonctions de premier lord de l’amirauté pour ouvrir l’accès du cabinet à un membre des communes ; mais il rentrera dans un autre département, et le lord destiné à déménager paraît devoir être lord Granville, lequel, cessant d’être leader de la chambre des lords, puisque lord Russell est devenu premier ministre, acceptera probablement une ambassade ; mais tous ces arrangemens personnels sont d’une minime importance. En perdant lord Palmerston, le ministère anglais a nécessairement changé d’esprit. Quoi qu’on fasse, quoique le vieux personnel soit conservé, quoique le poste de pre-