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ont publié récemment sous ce titre : Le chemin de fer du Saint-Gothard sous le rapport commercial. Ils ont été aidés dans leur travail par M. Koller, ingénieur qui depuis quinze ans a étudié tout spécialement les chemins alpestres. Ce livre est accompagné d’un atlas qui indique, pour toute l’Europe centrale, les zones de trafic qui appartiennent au Mont-Cenis, au Simplon, au Saint-Gothard, au Lukmanier et au Brenner. Les auteurs de cette importante publication ont laissé de côté le Splugen. C’est qu’en effet le chemin du Splugen, dont le versant méridional est situé tout entier sur le territoire italien, ne donne aux intérêts de la Suisse qu’une satisfaction très imparfaite; aussi le gouvernement helvétique s’est-il énergiquement prononcé contre ce tracé, et cette circonstance doit être regardée comme tout à fait décisive, puisque l’entreprise de la traversée des Alpes ne peut être menée à bonne fin que par l’entente commune de la confédération et du royaume d’Italie.

Nous rencontrons ici, dès le début, un des élémens principaux de la question. La Suisse attache une importance capitale à ce que le chemin projeté desserve dans. sa partie méridionale le canton du Tessin, séparé de la confédération par le massif des Alpes. Sous ce rapport, le Simplon, comme le Splugen, se trouve hors de cause; il ne reste plus en présence que le Saint-Gothard et le Lukmanier. Ces deux passages se trouvent eux-mêmes dans des conditions fort inégales, si on considère les facilités qu’ils peuvent donner aux communications du Tessin avec les autres cantons. Si on détermine les zones afférentes à chacun des deux passages en prenant la distance pour base, on trouve que la zone du Lukmanier comprend les cantons des Grisons, de Saint-Gall, d’Appenzell, de Glaris, quelques sections de Thurgovie et de Schwitz, c’est-à-dire en tout une population de moins de quatre cent mille âmes; celle du Saint-Gothard comprend tout le reste de la confédération, c’est-à-dire une population de près de deux millions d’habitans. La différence devient encore plus sensible, si on fait le partage des centres les plus importans. Zurich, Genève, Bâle, Berne, Lausanne, La Chaux-de-Fond, Lucerne, Fribourg, Neuchâtel, Schaffhouse, Winterthur, Bienne, Soleure, Aarau, Sion, Frauenfeld, Schwitz, sont desservis par le Saint-Gothard, tandis que la part du Lukmanier se réduit à Coire, Glaris, Mayenfeld, Appenzell et Saint-Gall. La confédération a donc tout intérêt, au point de vue de la circulation intérieure sur le territoire helvétique, à favoriser le projet du Saint-Gothard. Toutefois, si c’est là un élément important dans la question, il pourrait se faire qu’on fût amené à le négliger en considérant les exigences du grand trafic international auquel doit se prêter le chemin alpestre. Examinons. donc successivement les relations de l’Italie avec les divers états de l’Europe.