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I.

L’établissement d’une voie ferrée à travers de hautes montagnes présente des difficultés d’une nature toute spéciale. L’altitude des cols, les conditions climatériques et géologiques, la nécessité de combattre les avalanches, la neige et le froid, imposent à l’ingénieur des systèmes particuliers de construction. La seule alternative du froid et du chaud produit dans la région des hautes montagnes des mouvemens incessans de terrain les roches les plus dures sont travaillées par les agens atmosphériques; l’eau s’introduit dans les fissures de la pierre, qu’elle brise en se congelant. Surviennent les grandes pluies, les tempêtes, la fonte des neiges; les fragmens détachés de la roche quittent alors leur assise pour rouler dans les gorges. A une certaine hauteur, rien ne résiste à ce travail de désagrégation les pierres tendres, comme le gypse, sont réduites en poudre fine; les schistes argileux forment de petits débris glissans, les granits descendent en gros blocs. Les crêtes qui longent les vallées produisent ainsi des versans ou haldes d’éboulement. Les plus forts débris roulent dans le torrent, sont entraînés par les eaux, et viennent se déposer à l’endroit où la vallée transversale débouche dans une vallée longitudinale; ces dépôts se font d’ordinaire en forme d’éventail incliné, et sont connus sous le nom de cônes d’éboulement. Dans les gorges qui montent vers la haute chaîne des Alpes, on observe ces phénomènes à partir d’une altitude de 500 mètres. Parmi les haldes et cônes d’éboulement, il en est qui ont été assez consolidés par les siècles pour qu’on puisse y asseoir un chemin de fer; mais il en est beaucoup d’autres aussi qui ne sont formés que de matériaux glissans et qui, sans cesse accrus de nouveaux dépôts, peuvent être bouleversés par les grands orages. Il faut alors endiguer ou détourner les torrens, chercher le roc solide pour établir des ponts ou des viaducs.

Les avalanches sont, comme on sait, d’énormes masses de neige qui glissent et se précipitent le long des flancs des montagnes; mais elles ne présentent point pour un chemin de fer d’aussi graves dangers qu’on pourrait le croire. Elles suivent d’ordinaire des ornières déjà tracées; on connaît en tout cas les localités qu’elles menacent. Il est donc possible d’en garantir la voie ferrée au moyen de souterrains ou de galeries couvertes. Si les avalanches ne présentent que des inconvéniens peu redoutables, il en est tout autrement de la neige. A une altitude de 700 mètres, la neige atteint à peu près régulièrement chaque hiver une épaisseur de 1 mètre; elle atteint une épaisseur double à 1,100 mètres, triple à 1,300, quadruple