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nelles, tenant les unes à l’ordre politique, les autres à l’ordre naturel, donnaient à ces deux tracés une sorte de priorité nécessaire. Entre la vallée de l’Arc en Savoie et celle de la Doire en Piémont, les Alpes cottiennes se rétrécissent de telle sorte qu’elles peuvent être franchies par un tunnel d’un peu plus de 12 kilomètres à une altitude de 1300 mètres au-dessus du niveau de la mer; c’est là le passage auquel le Mont-Cenis a donné son nom. Le comte de Cavour, obéissant à l’inspiration de son génie en même temps qu’au vœu de l’opinion publique, trouva les ressources nécessaires pour assurer l’exécution du tunnel qui doit relier directement la France et l’Italie. A l’est de la Suisse, au milieu des Alpes tyroliennes, se trouve un col qu’il est possible de franchir à ciel ouvert à une hauteur de 1,366 mètres au-dessus du niveau de la mer; c’est ce col que l’on appelle le Brenner. Plusieurs motifs ont décidé la construction d’un chemin de fer par cette voie les facilités particulières que présente ce passage, qui s’ouvre entre les deux vallées importantes de l’Inn et de l’Adige et aussi un mobile politique bien différent de celui qui a provoqué les travaux du Mont-Cenis, le désir de rattacher plus directement la Vénétie à la monarchie autrichienne. Bientôt Inspruck sera reliée à Bolsano et à Trente, l’entreprise est poussée avec vigueur. Dans deux ans sans doute, les locomotives iront de Vienne à Vérone et à Venise sans passer par le Semmering et par Trieste.

Voilà donc deux voies ferrées dont la construction à travers les Alpes est assurée, l’une reliant la Haute-Italie au sud-est de la France, l’autre débouchant de l’Autriche au milieu du fameux quadrilatère. Au point de vue politique, l’une est une garantie, l’autre une menace pour l’indépendance italienne. Au point de vue commercial, l’une, par la France, met l’Italie en communication avec le bassin de l’Atlantique; l’autre, par l’Autriche, la rapproche du bassin de la Baltique. Quelque utilité que doive avoir chacune de ces deux lignes, il est évident qu’elles ne suffisent pas aux relations de l’Italie avec le reste de l’Europe. Ni le chemin du Mont-Cenis, ni celui du Brenner n’assurent aux intérêts italiens des communications assez directes avec le nord-est de la France, la Suisse, le grand-duché de Bade, le Wurtemberg, la Prusse rhénane, la Belgique, la Hollande, les villes hanséatiques. Aucune de ces deux voies ne permet au port de Gênes, et par conséquent à la marine italienne, de desservir quelques-unes des nations du centre de l’Europe. Le Mont-Cenis est trop près de Marseille, le Brenner trop près de Trieste. Il est donc indispensable qu’un troisième passage, ouvert entre les deux autres, traverse les Alpes helvétiques.

Cette opinion est loin d’être nouvelle. A l’époque même ou le