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sa maison de campagne aux conjurés pour leurs dernières délibérations. Le meurtre une fois commis, il montra un profond repentir et déplora avec beaucoup de larmes un entraînement dont il accusait « les esprits malins. »

Un repentir trop tardif aussi détermina un quatrième conjuré; Liliehorn, à faire remettre au roi, le soir même du 16 mars, un billet anonyme le pressant de ne pas s’offrir au coup qui l’attendait. Liliehorn était pour les conspirateurs un allié d’importance. Capitaine des gardes du corps, il avait sur l’esprit des soldats un grand crédit; il possédait en outre la confiance du roi au moment même où il le trahissait.

Plus inflexible en même temps que plus caché, le vieux baron Pechlin était, à vrai dire, l’âme du complot, dont ses jeunes complices devaient être les instrumens. Il avait soixante-douze ans c’était un vieux débris de l’époque des guerres civiles, pendant lesquelles il s’était distingué comme un redoutable chef à la tête de l’un et de l’autre parti tour à tour. Gustave, alors prince royal, l’appelait le premier républicain de la Suède et le croyait capable de recourir à la violence et au poison : instinctivement il le détestait, mais en le ménageant. Lors du premier coup d’état, comme il était parvenu à sortir de la capitale, Gustave fit courir après lui; on le trouva muni d’une proclamation destinée à soulever les provinces. Amnistié après être resté cinq mois captif, il quitta le service militaire sous prétexte de gérer ses biens, mais ce fut en réalité pour souffler partout l’esprit de révolte contre Gustave III, comme lorsqu’il profita pour ameuter les paysans de l’agitation qu’avaient causée parmi eux les nouveaux règlemens sur l’eau-de-vie. C’était un esprit chagrin, un caractère turbulent et inquiet. Dans la journée même du 16 mars, il reçut à dîner chez lui les conspirateurs avec d’autres nobles qui avaient certainement connaissance d’une partie au moins du complot. Pechlin préparait dès longtemps pour cette occasion un plan de nouvelle constitution.

Tels étaient les cinq principaux conjurés; mais il y avait dans les rangs de la noblesse beaucoup d’autres complices, ne fût-ce que ce bar on Bielke, admirateur de Brutus et de Cassius, et qui voulait (cela en 1792) qu’on modelât toute la révolution suédoise sur le patron de la révolution française. Il s’empoisonna aussitôt après le 16 mars. « Il y a deux classes de complices, écrit le chargé d’affaires de France à Stockholm les conjurés, admis jusque dans la confidence de l’assassinat, et les confédérés, fort nombreux dans le militaire, dans la noblesse de la capitale ou des provinces, et très désireux de coopérer à une révolution imminente sans toutefois en connaître les moyens. » Les soupçons s’étendirent jusque sur la fa-