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employer à telle opération de bourse qui lui convient, et cela dans le mystère le plus complet et sans que ses bilans ou ses rapports en indiquent jamais la trace, il est évident que cette institution est dans des conditions exceptionnelles pour faire la hausse ou la baisse sur telle ou telle valeur au gré de ses intérêts. Déjà le Crédit mobilier ne trouve pour ainsi dire plus de contre-partie à la Bourse ; personne n’ose s’aventurer sur un terrain où il peut rencontrer un adversaire aussi redoutable, et quant aux affaires, il ne trouverait pas à coup sûr dans le public le même empressement que par le passé. C’est bien à tort qu’on a représenté les sociétés de crédit comme d’excellens patrons pour les entreprises nouvelles, comme des guides très sûrs pour le placement des capitaux. Ces sociétés, lorsqu’elles s’occupent d’entreprises, n’ont qu’un intérêt, en organiser le plus possible pour toucher la commission ou la prime qui y sont attachées et les abandonner ensuite à leur propre sort. L’intérêt des capitalistes au contraire est qu’on en organise moins, et qu’elles soient meilleures. C’est aussi l’intérêt de la société, qui a besoin qu’on ne gaspille pas les capitaux qui font sa richesse, et Dieu sait combien, depuis dix ans, de capitaux ont été gaspillés par l’entremise des sociétés de crédit! Si la société du Crédit mobilier a rendu quelques services à l’origine, elle les a fait payer bien cher depuis par les ruines qu’elle a semées sur sa route, par le discrédit qu’elle a jeté sur les affaires, à ce point qu’on s’étonne de la voir encore se maintenir avec son organisation primitive. C’est un mécanisme usé qui ne peut plus avoir d’action utile. Et puisque le gouvernement s’enquiert des causes qui amènent les crises, c’en est là une. C’est le Crédit mobilier qui a été le centre où se sont organisées les affaires étrangères, et les moins. bonnes; c’est lui qui soutient les travaux exagérés des villes, et lorsque la-situation est embarrassée et qu’il faudrait restreindre le crédit pour y remédier, c’est encore en son nom et pour servir ses intérêts qu’on demande de l’étendre. Ce sont bien là les causes principales qui ont amené la dernière crise de 1863 et 1864. Il ne nous reste maintenant qu’à suivre l’enquête sur un autre terrain d’investigations et à montrer la valeur des moyens qu’on propose pour combattre les crises.


VICTOR BONNET.