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trop grande ? Les auteurs de la publication du Senchus semblent l’avoir pensé ; ils voient surtout une question de jurisprudence là où nous cherchons à découvrir le caractère d’un ordre social et les instincts d’une nationalité. Au lieu de : la loi sur les parentés sociales et des autres grandes lois annoncées par le préambule, ils nous donnent dans ce premier volume la loi sur les saisies, c’est-à-dire un code de procédure civile et ; criminelle. On éprouve un désappointement d’autant plus grand que la loi sur les saisies est d’une lecture difficile. On a peine à se reconnaître au milieu de malices vieilles de quinze et de vingt siècles d’analogies ; de distinctions et d’une foule de subtilités professionnelles. Il semble que toutes choses soient placées ici au rebours du bon sens, et l’on sait gré aux brehon d’avoir qualifié leur loi « la ; vérité sortant du mensonge, la légalité de l’illégalité, le bien du mal, l’ordre du désordre. » Cependant on aurait tort de se plaindre. La loi de procédure implique la loi civile et la loi pénale et les nécessités d’un ordre social tout entier se déroulent devant vos yeux quand vous arrivez aux paragraphes que voici :


« Pourquoi dit-on les quatre espèces de saisies ? Parce qu’il y a quatre choses qui donnent lieu à la saisie : le crime que l’on a commis soi-même, le crime d’un proche parent, le crime d’un moyen parent, le crime d’un parent en général ;

« Parce que les quatre tribus les plus proches sont responsables du crime de chaque parent de leur sang ;

« Parce qu’il y a quatre intéressés pour quiconque est demandeur ou de fendeur : la tribu du père, le chef, l’église, la tribu de la mère ou celle du père nourricier ;

« Parce que chacun, comme co-occupant de la terre, donne garantie sur ses bestiaux aux quatre voisins les plus proches des deux côtés et aux deux bouts. »


Puis viennent ces quatre axiomes :


« On peut poursuivre celui qui vous a porté préjudice en actionnant son parent, car tout parent est responsable.

« Avis est donné à la tribu du débiteur, et le plus proche parent est actionné.

« La tribu tout entière est responsable pour, la fuite d’un de ses membres.

« Les dettes des vivants sont supportées d’après l’ordre où l’on acquiert les héritages des morts. »


Voilà le système du clan dans toute sa vigueur. Son principe, c’est la solidarité de chacun des membres de la tribu et l’isolement du clan au milieu de la nation. L’individualité s’efface, la patrie disparaît, le clan seul existe, et celui qui introduira un étranger dans