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le pouvoir en faisant sortir le duc de Wellington, et la sécurité des amis du ministère n’était pas complète. À cette époque avancée de la session, une seule question pourtant pouvait offrir un point d’attaque. Le nouveau bill sur les céréales avait pour base le système connu sous le nom d’échelle mobile. Le prix moyen qu’il tendait à garantir aux agriculteurs équivalait à celui d’environ 26 fr., par hectolitre. Il n’en fut pas moins attaqué avec vivacité par tous les country gentlemen de la chambre des communes. Un des types les plus complets de cette honorable classe de petits esprits, sir Thomas Gooch, proposa d’ajouter au bill un article pour obliger tout navire qui apporterait du blé en Angleterre d’exporter, au lieu de lest, une cargaison d’économistes. « Le bill, s’écriait un autre, est destiné à détruire le clergé, l’aristocratie et la liberté.de l’Angleterre. » Et tout cela parce que passé un certain taux, par chaque deux shillings d’augmentation sur le prix du blé, le droit d’entrée diminuerait de la même somme!

Mais c’est dans l’autre chambre que la grande propriété fit contre cette prétendue atteinte à ses droits une éclatante défense à laquelle on regretta de voir lord Grey s’associer, et, quoique le bill eût été préparé sous lord Liverpool, le duc de Wellington fit passer un amendement qui força le ministère à l’abandonner. En présentant quelques mesures provisoires, qui ne pouvaient être rejetées, Canning ne cacha point ce qu’il pensait de l’opposition des lords et de son illustre adversaire. Ainsi la session finit par une rupture ouverte avec la grande aristocratie; mais on était au 30 juin, et le 8 août une courte maladie enlevait Canning aux espérances de son pays et de son ambition.

M. Robinson qui, sous le nom de lord Goderich, avait représenté le ministère dans la chambre haute, succéda à Canning, et le secrétaire d’état des colonies, Huskisson, devait avoir la direction de la chambre des communes. Cette combinaison ne pouvait être de bien longue durée. Huskisson, qui s’était obstinément refusé à devenir chancelier de l’échiquier, avait laissé ces fonctions à un tory de l’ancienne école. La division éclata bientôt entre eux et au moment d’ouvrir la session le cabinet fut dissous. Une réaction était inévitable. L’heureuse coalition qui s’était formée l’année précédente n’avait pas un avenir assuré, même si Canning eût vécu. Avec lui cependant, elle aurait peut-être acheminé sans secousse l’Angleterre vers cette transformation politique à laquelle nous assistons depuis plus de trente années. On essaya de faire le contraire. « Lorsque le prince-régent m’appela en 1828, racontait le duc de Wellington, il était sérieusement souffrant, quoiqu’il n’en voulût jamais convenir. Je le trouvai au lit, habillé d’une sale camisole de soie avec un bonnet de nuit en turban, l’un aussi gras que l’autre,