Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faires et que le roi lui avait répondu en lui donnant sa main à baiser. Cela voulait dire qu’il l’avait fait premier ministre. La prétention publique de Canning était, à ce changement près, de continuer le gouvernement de lord Liverpool. Cela était bon à dire, mais lord Eldon, lord Wellington, Peel, se retiraient et en entrainaient d’autres avec eux. Deux seulement des membres. anticatholiques consentaient à rester. Canning leur donna pour appui un nouveau chancelier, sir John Copley, qui venait de parler fortement contre la motion de sir Francis Burdett; c’est lui qui, sous le nom de lord Lyndhurst, a fourni une si longue et si heureuse carrière. Les autres ministres étaient choisis parmi ces tories éclairés qui apercevaient les signes des temps et entraient pour ainsi dire dans une nouvelle vie politique. Un d’eux était lord Palmerston, qui, secrétaire de la guerre sous lord Liverpool, obtenait pour la première fois et avec le même titre un siège dans le cabinet. Il passait pour plus capable dans les affaires qu’au parlement. Mais cette administration de tiers-parti, qui ne satisfaisait guère qu’une portion de l’ancienne majorité, avait besoin de renforts. Huit ducs avaient signé des représentations adressées au roi contre la primauté de Canning. Lord Grey lui-même, excepté nominativement par le roi de toute combinaison ministérielle, semblait regarder le dernier arrangement comme une intrigue. Heureusement tous ses amis n’en jugeaient pas de même. Les whigs avaient senti tout le prix de cette première décomposition du puissant parti qui les avait comme opprimés si longtemps. Leur secours était nécessaire, leur proscription touchait à son terme. Bientôt lord Lansdowne, lord Carlisle, Tierney, prirent place dans le cabinet sous des titres secondaires; mais après la session lord Lansdowne fut secrétaire d’état de l’intérieur.

J’étais en Angleterre alors, et l’on peut se figurer quel sentiment de délivrance avait pénétré dans toute la masse du parti libéral. C’était quelque chose comme le soulagement et la joie qu’allait bientôt produire en France le résultat des élections de la fin de 1827. Sans prévoir ce rapprochement, je me bornais à suivre à Londres avec un vif intérêt le premier présage d’un retour à la politique de Fox. J’ai entendu Canning le jour de ses explications sur la formation du cabinet; je l’ai entendu le jour où il présenta son budget. Sa figure était belle, fine et bienveillante; son front chauve et des traces visibles d’une santé fort éprouvée ne le vieillissaient pas prématurément; du moins ses manières agréables et simples, son débit plein de grâce et d’expression, ne paraissaient avoir rien perdu de l’attrait qui dès longtemps lui gagnait les assemblées, heureuses de l’écouter. Cependant sa position était fort contestée. C’était évidemment une témérité considérable que d’entrer dans