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se retirer à la campagne, et y demeura constamment négligé par la cour. Le prince de Galles seul, toujours empressé de se faire bien venir de ceux qu’éloignait son père, envoya ses complimens au chef de la maison de Bourbon, et l’invita à dîner à Wimbledon. Là, il lui fit, en portant des santés, de chaleureuses protestations en faveur de la légitimité. C’est ainsi qu’il s’engagea de sa personne dans une cause que l’Angleterre n’avait pas adoptée, et lorsque les événemens la firent triompher, il put triompher avec elle. Les événemens semblaient donc avoir travaillé pour lui, et, voyant, après bien des ennuis, la reine enfin perdre la vogue d’un moment et échouer dans toutes ses prétentions, il conçut de douces illusions sur son autorité, sur sa popularité, et fit en Irlande et en Écosse deux tournées royales, espérant bien par sa présence et ses manières reconquérir toutes les affections du pays. Voici cependant ce qu’en augurait un spirituel observateur « Je ne puis m’empêcher de soupçonner qu’au total les deux derniers voyages de sa majesté ne tourneront pas beaucoup à son honneur et à son avantage. Ses manières, sans aucun doute, sont, quand il le veut bien, très agréables et captivantes nul homme ne sait mieux comment on ajoute à une obligation par la façon d’obliger; mais dans l’ensemble il manque de dignité, non-seulement dans l’intérieur et la familiarité de la vie privée, mais dans les occasions publiques. Le secret de la popularité dans les situations très élevées semble consister dans une tenue un peu réservée et digne, mais courtoise et uniforme. Porter des toasts, serrer la main des gens, les appeler Jack ou Tom, gagne plus d’applaudissemens dans le moment, mais à la longue manque son coup. Il paraît s’être comporté, non comme un souverain qui vient officiellement et en pompe visiter une partie de son royaume, mais comme un candidat populaire qui vient faire une tournée électorale. »

Ces remarques de lord Dudley doivent être justes. Du moins les façons. plus ou moins gracieuses du prince n’ont-elles jamais prévalu contre les habitudes d’intempérance et les bruits de désordres secrets qui dégradaient son caractère privé. Les variations de ses opinions politiques, ou plutôt son indifférence en matière d’opinions, toutes les fois qu’il ne s’agissait pas de ses aises, de ses goûts ou de ses prétentions, ne pouvaient relever son caractère public, et son règne amena un changement dans les conditions du gouvernement anglais. Tandis que George III, toujours populaire, l’était d’habitude plus que ses ministres, George IV l’était moins que les siens. Il les compromettait quelquefois, et ne pouvait à volonté ni les appuyer ni leur nuire.