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espérant sur sa route un accueil supérieur à celui que le roi cherchait dans un voyage en Irlande. D’autres ont dit qu’elle se disposait à quitter la partie et à se retirer sur le continent; mais une maladie aiguë l’enleva quinze jours après. On répandit dans le peuple que sa mort n’était point naturelle; son corps devait, d’après ses dernières volontés, être transporté à Brunswick, et le gouvernement n’attendait pas sans inquiétude le jour de ses funérailles. Elles furent troublées en effet par une violente émeute; mais la force publique finit par être victorieuse.

Ainsi se termina cet étrange épisode de l’histoire du gouvernement britannique. Nul ne fait mieux ressortir peut-être cette hardiesse de l’esprit anglais et cette violence de la liberté politique, qui par moment l’un et l’autre acceptent, dans un pays si respectueux pour les conventions établies, la publicité des plus grandes excentricités, pourvu qu’elles soient tempérées par les formes légales et régulièrement discutées. Partout ailleurs, cet appel fait à l’esprit de curiosité et d’examen touchant les secrets les plus intimes et les plus scabreux de la vie privée des personnes royales, avec les circonstances les plus propres à exciter la risée ou le dégoût, aurait tourné au détriment des dynasties et de la royauté même. Ici, deux personnes seulement furent compromises. Le caractère du mari, la réputation de la femme, subirent de graves atteintes; mais la loyauté générale du peuple anglais n’en a pas été ébranlée, et les institutions, mises, dans les années suivantes, à d’autres sérieuses épreuves, en sont sorties plus fortes et plus brillantes. Ces crises assez fréquentes, où tout paraît entrer en confusion, où la parole des orateurs, les manifestations des partis, les cris du peuple, semblent ne plus rien respecter, ont trompé bien des observateurs et plus d’un cabinet européen sur la stabilité du gouvernement anglais. Le résultat a toujours démenti les prédictions des beaux esprits, les inquiétudes des sages timides, les espérances des ennemis de la liberté. Le règne orageux d’un roi fou, puis d’un roi méprisé, n’a rien ôté à l’éclat serein et doux de l’avènement d’une jeune fille de dix-huit ans, destinée à rendre à la royauté britannique le respect de tout ce qui aime la sagesse et la vertu.

George IV lui-même pouvait croire que les dernières années de sa régence l’avaient relevé dans la faveur publique. Il avait été le chef nominal du gouvernement sous lequel l’orgueil national avait obtenu les satisfactions les plus signalées. Les restaurations, et particulièrement celle de France, avaient été le triomphe de certaines idées qu’il avait personnellement affichées. Lorsque après la guerre de 1807 le comte de Lille, exilé de tout le continent, vint, sans être appelé, chercher un asile en Angleterre, son arrivée courrouça George III, qui ne voulut pas le voir. Le prétendant fut obligé de