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la chambre se prêta à toutes les longueurs, à toutes les chicanes, à tous les dégoûtans débats que comportait cette affaire sans précédent. Elle entendit des plaidoiries sans fin, mais habiles, hardies, éloquentes, et qui ajoutèrent à la réputation de M. Brougham, de Denman, de sir John Copley, du docteur Lushington. A mesure que la lutte se prolongeait, la chambre se montrait de plus en plus opposée à la clause de divorce. Le bill perdait des voix à chaque division, et, la troisième lecture n’ayant passé qu’à 8 voix de majorité, lord Liverpool annonça qu’il était abandonné, aux acclamations de l’opposition et du public. La ville de Londres fut illuminée pendant trois jours.

On attendait avec impatience la fin de la prorogation du parlement; mais le jour où il se réunissait, le 23 novembre, il était à peine en séance qu’il fut prorogé de nouveau. Ce procédé insolite annonçait un certain trouble dans le ministère, et probablement l’impuissance où il avait été d’arracher à l’obstination du roi quelque mesure d’accommodement. La session fut renvoyée au mois de janvier. Dans l’intervalle, les esprits avaient eu le temps de se calmer; la ville était rentrée dans l’ordre. La popularité relative et factice de la reine était tombée. Elle restait avec une réputation entachée, et sans aucune des qualités aimables et distinguées qui couvrent des fautes et gagnent les cœurs. Loin de là quoiqu’elle ne fût pas dénuée d’intelligence, elle se méprenait sur la faiblesse de sa situation, méconnaissait les services qu’on lui rendait, et montrait de la hauteur sans tact ni dignité, de la hardiesse sans fermeté ni constance. Le roi avait échoué dans ses projets. Le sentiment public s’était prononcé contre lui. Justice était faite. Maintenant l’opinion refusait de la suivre dans la campagne de représailles qu’elle voulait ouvrir contre lui. Quoique Canning eût affaibli le ministère en le quittant à cause d’elle, les motions de ses partisans furent repoussées à des majorités considérables : 298 voix contre 178 refusèrent de rétablir son nom dans la liturgie malgré l’appui que lui donnaient les sentimens religieux exprimés par Wilberforce. Enfin lord Castlereagh proposa de lui allouer l’annuité promise des 50,000 livres sterling. M. Brougham déclara pour elle qu’elle n’accepterait rien tant qu’on ne prierait pas pour la reine. Et pourtant il paraît qu’elle accepta, et l’on cessa de s’occuper d’elle jusqu’à l’époque du couronnement. Son droit d’y figurer fut soutenu dans un mémoire dont un comité du conseil privé rejeta les conclusions. Elle protesta, et le jour de la cérémonie elle se fit conduire avec un certain apparat aux portes de l’abbaye de Westminster, qui lui furent fermées; mais le peuple ne parut pas disposé à les forcer pour elle, et la reine rentra chez elle fort agitée. On prétend qu’elle forma alors le projet de faire un voyage en Écosse,