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dans les cours étrangères, elle revint inopinément en Angleterre le 4 juin 1820, et fut accueillie à Londres par une ovation populaire.

Le ministère en fut fort troublé. Jusque-là, il avait résisté au désir du prince de faire prononcer son divorce, car, trois mois après la mort de sa fille, il avait songé à se remarier. Une commission d’enquête s’était rendue en Italie, et, parcourant les lieux que la princesse avait habités, avait dû recueillir toutes les preuves propres à la convaincre d’adultère. Son rapport avait été déposé en juillet 1819; mais le cabinet n’y avait donné aucune suite il ne voulait s’en servir que pour forcer la princesse à demeurer tranquille en la menaçant de le publier. Il ne se souciait nullement d’une procédure en divorce, et ne tenait pas plus à conserver la couronne dans la postérité du roi qu’à lui donner les moyens d’en avoir une; mais la reine était en Angleterre, le casus belli était arrivé. Le jour même de son entrée dans Londres, le rapport de la commission d’enquête fut, par un message du roi, communiqué aux deux chambres. On avait cru, par cette démarche hardie, tourner dans un pays scrupuleux et même un peu prude l’opinion contre une femme plus que compromise. On n’avait pas calculé la grande avance que le roi avait prise sur elle dans la malveillance publique. Les procédés du mari parurent plus odieux que les torts de la femme. Il fut sur-le-champ visible que les chambres ne désiraient point pousser les choses à l’extrême. Les ministres, qui au fond souhaitaient comme elles un accommodement, le laissèrent entendre, et Canning expliqua que dans cette seule espérance il avait consenti à soumettre l’affaire au parlement, décidé qu’il était à ne jamais se porter accusateur de la reine. La chambre des communes la supplia par une adresse très respectueuse de se prêter à une transaction. Dans une conférence qui suivit, la reine promit de demeurer à l’étranger, si son titre était reconnu et son nom rétabli dans la liturgie; mais le roi ne voulut rien entendre, et l’on fut obligé d’en venir à une accusation. Un bill dit de peines et amendes fut présenté à la chambre des lords. Ce bill, moitié judiciaire, moitié législatif, tendait à faire constater par une instruction orale et publique un délit nouveau, celui d’adultère commis par la reine hors du royaume avec un étranger, et à prononcer en conséquence contre elle une sorte de déchéance qui entraînerait un divorce.

On peut lire dans les Causes célèbres les étranges détails de cette procédure inusitée, les scandaleux incidens produits et discutés devant la plus grave assemblée du monde. Au milieu des cris de la multitude et d’une agitation d’autant plus menaçante que l’enthousiasme pour la reine n’était que le masque de la haine pour le roi,