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Murat régnât à Naples; mais l’empereur voulait des trônes pour toute sa famille, et il partit pour prendre le commandement de son armée.

Les événemens qui suivirent, en absorbant toute l’attention, en excitant toutes les espérances de l’Angleterre, étaient seuls propres à donner force et vie au ministère, car dès sa formation il n’avait gagné que d’une voix la question préalable sur une motion de lord Wellesley en faveur des catholiques, et dans l’autre chambre une motion analogue de Canning avait obtenu la majorité. Cependant le sort de la question dépendait aussi des événemens de la guerre. Selon que les nouvelles faisaient plus ou moins craindre un débarquement en Irlande, les esprits penchaient plus ou moins vers la liberté religieuse. « Notre gouvernement est une anémocratie, disait Sydney Smith il dépend des vents favorables ou contraires à la sûreté de l’Irlande.» Aussi, lorsque les désastres de la Bérésina furent connus, les droits des catholiques durent-ils peu à peu retomber en oubli. Quand on ne craignait plus l’empereur, on craignait le pape. Une nouvelle tentative en leur faveur par M. Grattan, après un premier accueil favorable, rencontra bientôt les obstacles accoutumés, et par la voix de Ponsonby l’opposition déclara la motion abandonnée.

Malgré la guerre qui éclata bientôt entre l’Angleterre et les États-Unis, et qui était due tout entière à la violence insoutenable des procédés tolérés ou prescrits par le conseil privé en matière de droit maritime, le cabinet n’eut pas à s’inquiéter beaucoup de ce résultat de ses fautes; lui-même en avait rougi un moment, et il avait révoqué, quoique trop tard, ces ordres en conseil, si justement odieux aux Américains. Mais qu’importait la violation des principes de droit maritime ? Elle rentrait trop dans la passion actuelle du peuple anglais pour que le parlement n’épousât pas la querelle du cabinet, et les adresses qui approuvaient sa conduite furent votées sans division. Les questions parlementaires étaient tombées au rang des choses indifférentes. La politique de la guerre, la politique bien moins justifiable d’une intervention par les armes dans le gouvernement de la France, paraissait destinée à l’emporter, et la faveur de l’Europe, non pas seulement des gouvernemens, mais des peuples, semblait l’accompagner dans chacun de ses progrès. Peut-être les rois furent-ils dans la vérité lorsqu’ils consentirent à appeler. la bataille de Leipzig la bataille des nations.

Le 4 novembre 1813, le parlement s’assembla. L’empereur Napoléon était encore à Paris, et il n’était pas encore entré en campagne, lorsque, selon l’usage, la session fut prorogée pour les fêtes de Noël; elle le fut au 1er, puis au 14 mars, et, quand les deux chambres se réunirent, ce fut pour assister à la prise de Paris et à l’abdication de Fontainebleau.