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pales questions politiques, mais il n’était pas autorisé à promettre le changement des grands officiers de la cour, qui devait suivre celui des ministres. Les négociations furent rompues. On a demandé souvent si elles n’auraient pu être utilement suivies, si, en se montrant plus concilians et plus empressés, Grenville et Grey n’auraient pas pu rouvrir honorablement les portes du pouvoir à leur parti, et faire ainsi jouir plus tôt l’Angleterre des bienfaits d’une administration libérale. Il est certain que, du commencement de 1801 au milieu de 1812, l’Angleterre ne paraissait pas condamnée au torysme à perpétuité, comme elle l’a paru pendant les quinze années suivantes mais lord Grenville était revenu de l’ambition dégoûté du pouvoir, il nourrissait contre les personnes royales une incurable défiance. « J’ai été une fois trahi par le roi, écrivait-il à son frère en 1811, et ne me sens nullement en goût d’offrir à son fils une occasion d’en faire autant, quand j’ai si peu de raison de douter qu’il soit dans la même disposition. » Lord Grey n’avait pas moins de répugnance à s’engager sans prendre toutes ses sûretés. Or la manière dont le prince-régent se conduisit dans toutes ces négociations, le vague et l’obscurité de son langage personnel, sa conduite récente et surtout sa conduite postérieure répandent un nuage sur sa bonne foi ou plutôt sur sa parfaite résolution dans ses rapports avec les whigs. Pendant qu’on traitait avec eux en son nom, il disait, suivant de bons témoignages, qu’il aimerait mieux abdiquer que de s’allier complétement avec eux. Il n’est que trop vrai que Sheridan, celui des whigs qui a joui de sa plus constante faveur, travaillait sourdement à les écarter du pouvoir. Comme son caractère, sa réputation, ses désordres lui interdisaient toute importante situation dans le gouvernement, il n’aimait pas que son parti y pénétrât et prévalût sans lui. Satisfait d’entretenir sa popularité par ses discours et son crédit par ses intrigues, il prenait un malicieux plaisir à voir ses amis politiques aussi impuissans que lui à s’emparer du ministère.


IV.

C’est donc au mois de juin 1812 que lord Liverpool reforma cette administration réservée à une si brillante fortune, et qui, dans ses élémens essentiels, devait se conserver jusqu’en 1827. Lord Sidmouth y entra comme ministre de l’intérieur, Vansittart comme chancelier de l’échiquier, et lord Castlereagh eut la direction des débats dans la chambre des communes.

Lorsqu’on lit à cette époque les discours de l’opposition, ses journaux, ses écrits, les articles toujours notables de la Revue d’Edimbourg, on voit l’opinion libérale s’engager de plus en plus contre la