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pagnemens au piano, ces exercices variés viennent rompre la monotonie des heures de classe et font chérir l’école aux enfans comme un lieu de récréation, Loin de souffrir de ces intermèdes, la discipline y gagne, paraît-il. Contraste souvent signalé, les Américains du nord, si remuans dans la vie habituelle, se soumettent sans hésiter à l’empire de la loi. De même leurs enfans si indépendans, si émancipés de toute autorité paternelle, se plient avec une docilité exemplaire et unanime aux règlemens d’ordre de l’école.


II.

En énumérant les matières enseignées, il en est une considérée presque partout en Europe comme la plus essentielle de toutes, et dont nous n’avons rien dit, la religion. — C’est qu’en effet on ne l’enseigne pas. Il y a plus il est strictement défendu aux instituteurs de faire mention des dogmes d’aucune religion positive. La seule prière qu’il puisse dire est l’oraison dominicale. Il doit seulement cultiver le sentiment moral en s’appuyant sur les principes de la religion naturelle, qui en forment la base. Voici en quels termes la loi du Massachusetts, adoptée à peu près dans tous les autres états, s’exprime à ce sujet « Les instituteurs doivent s’efforcer d’inculquer dans le cœur de la jeunesse confiée à leurs soins la piété, la justice, le respect de la vérité, l’amour de leur patrie et la bienveillance pour tous les hommes, la sobriété, le goût du travail, la chasteté, la modération, la tempérance et toutes les autres vertus qui font l’ornement de la société et la base de la république. Ils doivent montrer à leurs élèves, par des explications à la portée de leur âge, comment ces vertus tendent à maintenir et à perfectionner les institutions républicaines, à garantir à tous les inestimables bienfaits de la liberté et à assurer leur propre bonheur, et comment les vices opposés mènent inévitablement aux plus désastreuses conséquences. » A en juger d’après les résultats, ce mâle programme est suivi à la lettre. En Europe, on répète volontiers cet aphorisme L’atmosphère de l’école doit être religieuse et morale, et toute école où l’on n’enseignerait pas le catéchisme serait considérée comme un lieu de perdition. En Amérique, on dit la même chose, mais on croit en même temps qu’il vaut mieux s’occuper du dogme à l’église qu’à l’école. Les motifs qu’on en donne méritent d’être pesés.

D’abord, dit-on, partout où l’état est séparé de l’église, l’école publique doit être strictement laïque, car elle est une institution de l’état laïque. Si vous appelez le prêtre, vous devez subir ses con-