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dante pour les États-Unis, la Prusse, etc. Si cette progression suit son cours, et rien ne prouve depuis cinquante ans qu’il ne doive pas en être ainsi, on peut donc rationnellement se demander quel combustible remplacera la houille après l’épuisement des mines de charbon, et à quelle époque ces mines elles-mêmes seront tout à fait épuisées. La science est jusqu’ici à peu près muette sur la solution du premier de ces problèmes; il n’en est pas de même pour la réponse au second. La durée de l’exploitation des houillères, que les géologues, on le sait, avaient d’abord fixée à des milliers d’années pour des productions qui n’étaient pas le quart de celles dont il s’agit aujourd’hui, ne dépassera peut-être pas cinq ou six cents ans. On peut même affirmer hautement que dans des pays incessamment fouillés, comme la France, la Belgique, l’Angleterre, la Prusse, l’extraction souterraine du combustible minéral n’ira certainement pas jusqu’à la moitié de cette durée. Ainsi, en septembre 1863, sir William Armstrong, président annuel de l’Association britannique, prononçant à l’hôtel de ville de Newcastle le discours d’inauguration des séances de cette société, démontrait que dans deux siècles toutes les couches de houille du royaume-uni seraient entièrement épuisées. Sir Roderick Murchison, présidant à son tour l’association, et rappelant cette année les calculs de son prédécesseur, en a confirmé les résultats.

Tout au plus pourrait-on porter ce chiffre au double ou au triple pour des états comme l’Amérique du Nord, où d’immenses gisemens restent presque encore vierges. En Afrique, le combustible minéral est loin d’être abondamment répandu, hormis sur la côte ouest de la grande île de Madagascar. Dans l’Inde, la Birmanie, la Chine, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie, le Chili, où il a été également découvert, souvent sur une très longue étendue, il ne pourra jamais suffire, sauf des cas tout exceptionnels, qu’aux consommations locales. D’ailleurs la houille, du moins quand on veut l’appliquer aux grandes opérations industrielles, n’est pas matière de si grand prix qu’elle puisse supporter de très longs transports, même par mer.

Faut-il admettre que le chiffre de la consommation dans la plupart des états européens finira par diminuer quelque jour, quand tous les réseaux de chemins de fer, partout achevés, exigeront la fermeture de quelques-unes de nos usines sidérurgiques, quand on aura suppléé par une autre matière au charbon minéral pour la fabrication du gaz d’éclairage? Mais cette diminution dans la consommation ne peut être bien notable, et le surplus du combustible exigé par le plus grand nombre de locomotives et de bateaux à vapeur ne viendra-t-il pas détruire en partie d’un côté l’économie produite de l’autre? Qu’on ne parle pas d’ailleurs du reboisement des forêts, ni du combustible végétal pour remplacer un jour la houille, comme celle-ci avait remplacé le bois. Le monde ne recule pas. Peut-être suppléera-t-on dans quelques cas à la houille par le pétrole, dont on a découvert de si vastes gisemens aux États-Unis. Cette matière ne sera jamais néanmoins aussi abondante que le charbon, et l’extraction n’en sera pas non plus d’aussi longue durée.

Il y a donc dans l’épuisement certain de nos houillères, épuisement qu’un calcul mathématique dont nous avons maintenant tous les élémens