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tlereagh et l’esprit éclairé de Canning; ramena le gouvernement dans les voies de ce torysme plein d’âcreté et d’intolérance que Pitt lui-même n’avait jamais professé sans restriction, et qui, depuis la fin de sa grande administration, avait cessé de peser sur les conseils de l’Angleterre. Il va sans dire que la cause ingrate des catholiques, cette cause d’autant plus honorable à soutenir qu’elle n’avait pour elle que la justice, car au fond ni le sentiment ni l’intérêt public ne l’appuyait, reçut les premiers coups. Lorsque lord Grenville annonça une motion en leur faveur, il rencontra pour adversaire lord Moira, qui avait été ministre avec lui, et qui, pour ne rien compromettre, demanda lui-même l’ajournement. Cet incident était grave, parce que lord Moira était l’ami du prince de Galles, réputé jusqu’alors partisan de la tolérance religieuse; mais les whigs, parmi lesquels le prince avait longtemps voulu être compté jusqu’à se dire l’ami de Charles Fox et à porter ses couleurs bleu et chamois, les whigs, qui l’avaient toujours soutenu dans les embarras d’une position humiliante, lui témoignant plus de bienveillance que d’estime, le négligèrent pendant leur ministère. Ses protégés n’avaient presque rien obtenu. Enfin le cabinet n’avait pu le suivre dans ses desseins vindicatifs contre sa femme. Il avait toujours des dettes, et son désordre incorrigible l’obligeait à se ménager toujours avec le roi et son gouvernement. Le prince de Galles déclara donc aux whigs et à lord Holland, qui fut chargé de le faire expliquer, que sur les questions de tolérance ses sentimens étaient toujours les mêmes, mais qu’il ne prendrait jamais parti dans une question contre les désirs du roi, et qu’il était impossible à un fils de s’associer à une mesure qui ne pouvait être agitée sans risquer de mettre son père en démence. De cette défection date le refroidissement entre le prince et les whigs, qui l’ont pour la plupart toujours accusé d’un manque de foi. On dit que, revêtu du pouvoir royal, se trouvant un jour rapproché hors de toute étiquette du duc de Bedford, il lui dit « Vous ne me donnez pas la main, Johny? Quand vous aurez tenu votre parole, » répondit le fier Russell. Ainsi les catholiques payèrent à leur manière les dettes du prince de Galles, et ils n’y gagnèrent que d’excellens articles dans la Revue d’Edimbourg et les célèbres Lettres de Peter Plymley, qui commencèrent la réputation de Sydney Smith.

Ce sont ces agitations, stériles sans doute, mais où se révèlent au naturel les sentimens divers et contrastés d’un peuple libre, que l’empereur apparemment jugeait du haut d’un trône environné d’une gloire silencieuse, lorsqu’il disait vers ce temps au corps législatif « Je désire la paix maritime. Mon ressentiment n’influera jamais sur mes déterminations; je n’en saurais avoir contre une