Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

papier-monnaie, dont la source avait dû être tarie, coule aussi abondamment que jamais sous la forme des billets des banques nationales, dont la réserve est déposée à Washington en bons de l’emprunt des États-Unis, et sous celle de ces obligations portant intérêt, ingénieux, mais ruineux déguisement du papier-monnaie. On calcule d’après les pièces officielles que la dette augmente de 11 millions par jour, déduction faite des énormes emprunts contractés par les états et les localités pour satisfaire aux exigences du gouvernement central et lui fournir les millions d’hommes qu’il a dévorés.

Vous pensez quel parti les démocrates tirent de ces dangers, quelle joie leur inspirent toutes ces inquiétudes, et combien, il faut le dire, à ce dernier moment de la lutte les préoccupations nationales sont noyées dans les rivalités politiques. Je sais que c’est le sort inévitable des oppositions, en temps de guerre, que de se trouver en fait, et souvent malgré elles, alliées à l’ennemi public ; mais il faut être bien endurci à la brutalité de la presse américaine pour ne pas frémir en lisant certaines feuilles démocrates, qui ne sont au fond que des feuilles rebelles. Écoutez ces titres significatifs mis en tête du Chicago Times « Inaction de Sheridan. — Condition véritable de l’armée en déroute d’Early. Grant fait une nouvelle tentative, et échoue comme de raison. Hancock et Meade refusent de conduire leurs hommes à un carnage inutile. » Ne croirait-on pas lire les journaux de Richmond ? Le Times n’est pourtant que le disciple fidèle et l’organe favori des héros de la convention démocratique. En août dernier, les ardens du parti lui donnaient des ovations et des sérénades pour le récompenser de son courage patriotique. Que penser d’un parti qui met sa gloire dans l’humiliation nationale ? Les mêmes hommes, je le sais encore, font des protestations hypocrites tandis que la main droite trempe dans la trahison, la main gauche fait des charités pompeuses aux blessés et aux veuves. La semaine dernière, au meeting démocratique de Joliet (Illinois), au milieu des oripeaux, des mascarades des chars attelés de dix chevaux, chargés, comme la voiture du bœuf gras, de groupes allégoriques et d’orchestres ambulans, on a promené quelques charretées de bois de chauffage et quelques tonneaux de farine pour les familles des soldat blessés ; mais je me défie d’une bienfaisance qui fait ainsi parade d’elle-même. Si le parti démocrate tient à prouver son patriotisme, qu’il se soumette à la conscription, qu’il paie sans murmurer les impôts, plutôt que d’acheter des ornemens d’or et des bannières de soie pour les déesses de la Liberté qu’il promène dans ses mascarades.

Qu’on dise, s’écrie le Chicago Times avec une indignation burlesque, que nous ne sommes pas dévoués à l’Union ! Vit-on jamais