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sièges de la chambre haute ne pouvaient ni être fixes en nombre, ni se répartir toujours également entre les provinces, et ce système avait peu de chance d’être adopté dans une assemblée où se rencontrent des ambitions rivales qui ont besoin de limites précises.

L’hérédité soulève les mêmes objections elle ne peut d’ailleurs prendre racine dans un pays accoutumé à l’élection populaire. Il y a encore le système américain d’un sénat élu tout entier par les législatures des états, et c’était évidemment le meilleur parti à prendre. Il paraît pourtant que les délégués sont décidés à en confier le choix à la couronne. Reste à savoir quels tempéramens on apportera au principe pour empêcher que la chambre haute ne devienne un corps de domestiques ou un hôpital d’invalides. Il est vrai qu’avec le gouvernement sage, impartial, éclairé de l’Angleterre, un pareil danger n’est guère à craindre; mais ce n’est pas une raison pour faire une constitution boiteuse, dont l’avenir dira peut-être les inconvéniens.

Outre la question politique générale, il y a celle des intérêts locaux. On s’est vite trouvé d’accord pour distribuer, suivant la population des provinces, les sièges de l’assemblée législative ou chambre d’assemblée. Elle comptera 194 membres, dont 82 pour le Haut-Canada, 65 pour le Bas-Canada, 39 seulement pour les états maritimes; mais les sièges de la chambre haute seront autrement répartis. Ainsi l’Acadie (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, île du Prince-Édouard) aura droit, dit-on, à 24 députés, Terre-Neuve à 3, le Haut et le Bas-Canada chacun à 24 seulement. Autre question non moins disputée comment organiserait-on le pouvoir exécutif dans chacun des états formant la confédération nouvelle? Le pouvoir exécutif serait-il aux mains d’un ministère responsable ou d’un gouverneur élu comme aux États-Unis? Si l’on en croit les bruits qui courent, on laisse à chaque province le droit de décider elle-même sur quel patron sera taillé son gouvernement. L’accord s’établit, parce que le pays veut qu’il s’établisse, et que dans ce dessein il a composé la délégation mi-partie de membres du parti anglais, mi-partie de membres de l’ancienne opposition française aujourd’hui au pouvoir. Les rouges n’ont pas obtenu une nomination.

C’est que la guerre civile des États-Unis inspire aux Canadiens une crainte salutaire de cette annexion dont leurs terribles voisins les menacent. Elle leur donne en même temps l’audace de résister à ce qu’ils considèrent au fond comme leur destinée, car le danger de l’annexion est ajourné, mais non pas vaincu. Les embarras de l’Amérique, si déplorables à tant d’égards, sont après tout l’unique espoir de salut de la petite nationalité canadienne. Malgré sa pauvreté relative, malgré le déficit annuel de son budget, le Canada