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Montcalm. A droite sont les fossés et l’enceinte d’une citadelle moderne qui domine la ville. Du reste, ni églises, ni palais, ni monumens remarquables; mais la situation est admirable. De la terrasse qui sert de promenade, on a sous les yeux un tableau gracieux et tranquille qui ne lasse jamais le port qu’on domine, le fleuve, tantôt calme, tantôt tourmenté par la marée, un horizon de promontoires et de montagnes brumeuses, la grande île voisine d’Orléans, les gros navires de guerre mouillés dans la rade, les villages et les forteresses dispersés sur l’autre rive. Il y a le soir une heure charmante c’est celle où les barques des pêcheurs remontent en louvoyant la rivière et où toute la flottille étend ses ailes blanches autour des gros vaisseaux de la rade; mais je vois tout cela dans une saison pluvieuse et. triste. Je commence me lasser de ces ruelles boueuses, de ces vieux porches croulans, de ces maisons nues comme celles des villages de montagnes et de tous les pays de grande froidure. Toute cette tristesse déteint sur l’esprit. Heureusement l’accueil obligeant que je trouve, la nécessité de faire bon visage à cette bonne vieille société qui met tant d’empressement à recevoir les Français de l’ancienne France, me tirent malgré moi de ma torpeur.

21 octobre.

Je mène une vie fort dissipée bals, soirées, concerts, ne discontinuent pas. Je m’accommode très bien de cette oisiveté, car tout le monde ici me témoigne une bienveillance extrême, quelques-uns même une véritable amitié. Je ne suis déjà plus un étranger. Dans la famille de M. D…. où j’ai établi mon quartier-général, on me reçoit comme un enfant de la maison; j’y reste des journées entières, j’y dîne, j’y passe agréablement les heures longues et monotones de la soirée d’un voyageur. J’ai à me louer aussi de l’accueil excellent que ni fait M. Gautier, notre consul-général à Québec. Il a voulu me mener lui-même chez le gouverneur, lord Monck, m’a présenté dans le monde, inscrit au cercle, m’a ouvert enfin sa porte avec une hospitalité tout américaine. A peine arrivé, je songe à repartir; mais en si peu de jours il me semble que je laisserai de vieux amis au Canada.

J’ai dîné hier chez le gouverneur-général. Que vous dirai-je de sa maison? Elle ressemble à celle du vice-roi d’Irlande appareil de prince quant à l’étiquette, extrême simplicité pour tout le reste. La table est entourée d’officiers anglais en uniforme, tous courtois et distingués. Il n’y a rien à remarquer là que je n’aie vu en Europe j’aime mieux vous montrer une soirée officielle chez un haut fonctionnaire canadien.

Notre hôte est un homme simple, modeste, familier, sans osten-