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fatigués des baraques de New-York. Nous parcourûmes les quartiers commerçans et populaires, les marchés enfin, dont l’exquise propreté, l’ordre parfait, l’élégance même, font l’orgueil des Bostoniens. Quand on se rappelle nos hangars sales, fétides, ouverts à tous les vents, auprès desquels on ne passe jamais sans dégoût, on admire ces longues galeries fermées qui sont à la fois une charmante promenade d’hiver et une mine de tableaux pittoresques. De chaque fenêtre jaillit un rayon de soleil qui se joue sur les étalages, sur les arrangemens coquets de fruits, de légumes, de gibiers, de volailles, d’oiseaux aux plumes brillantes, sur les chapelets de saucissons qui pendent en festons aux murailles, sur les quartiers de viandes empourprée ou les poissons dorés étalés sur des tables de marbre, enfin sur les marchands nègres et leurs têtes de cuivre bronzé. Au bout du grand marché, nous visitons Faneuil-Hall, une salle contemporaine de l’indépendance, berceau de l’éloquence américaine, dont elle reste le sanctuaire vénéré. Si laide que soit cette bâtisse jaune, on se garderait bien d’y toucher une brique. C’est là qu’a retenti l’écho de toutes les grandes voix qui ont ému l’Amérique, là qu’aujourd’hui encore mon cicérone a coutume de parler à sa ville natale. Il me montre à côté l’emplacement où fut versée la première goutte de sang qui donna lieu à la guerre de l’indépendance. Les redcoats occupaient l’ancien bâtiment de la douane; ici s’était assemblée la foule irritée. C’était l’hiver quelques boules de neige frappèrent les soldats, qui firent feu. Les gens de couleur aiment à rappeler qu’il y eut un nègre parmi ces premiers martyrs de la patrie américaine c’est leur lettre de noblesse et leur titre à la liberté.

De là, jetant un coup d’œil au passage sur les Boston water works, vastes réservoirs de granit adossés à la colline, nous revînmes encore au State-House, point culminant d’où la vue embrasse la ville et les bras de mer qui entourent la presqu’île où elle est bâtie. Nous allâmes chez le gouverneur, qui était absent, chez le poète Longfellow, que nous ne pûmes voir. Nous dînâmes à l’Union-Club, où mon aimable hôte me fit boire « du vin de mon pays; puis nous montâmes en voiture pour nous promener dans ces jolis environs de Boston, qui méritent bien leur renommée. Les pièces d’eau dormantes dans les vallées, les coteaux couverts de jardins et de maisons de campagne, les chemins creux qui serpentent sous les massifs de pins et de cèdres, forment un dédale riant où viennent courir le soir les phaétons et les cavalcades.

On parle ici des démêlés secrets du parti abolitioniste avancé avec la fraction plus modérée du parti républicain que représente le président Lincoln. Depuis qu’on reproche au président de faire