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espèces en variétés et de celles-ci en variétés secondaires modifiées à l’infini sous l’influence de certains agens. « Et cependant la plante reste toujours plante, quand même elle incline çà et là vers la pierre brute ou vers une forme plus élevée de la vie. Les espèces les plus éloignées conservent un air de famille qui permet toujours de les comparer ensemble. Comme on peut les comprendre toutes dans une notion commune, je me persuadai de plus en plus que cette conception pouvait être rendue plus sensible, et cette idée se présentait à mes yeux sous la forme visible d’une plante unique, type idéal de toutes les autres. Je suivis les diverses formes dans leurs transmutations, et à mon arrivée en Sicile, terme de mon voyage, l’identité primitive de toutes les parties végétales était pour moi un fait démontré dont je cherchais à rassembler et à vérifier les preuves. »

A son retour d’Italie, il compose ce célèbre essai sur la Métamorphose des Plantes, publié en 1790, où se développe pour la première fois cette idée, adoptée aujourd’hui avec quelques explications restrictives, mais qui marque une date dans l’histoire de la botanique, de la transformation d’un organe unique, les cotylédons, qui deviennent successivement tous les autres organes du végétal. Calice, corolle, étamines, pistil, fruit et graine, ces noms divers marquent autant de phases variées dans la vie de la plante, ou plutôt dans l’épanouissement ou la contraction de l’organe primitif. La fleur n’est qu’un bourgeon dont les différens verticilles, alternativement épanouis ou revenus sur eux-mêmes, forment toutes les parties du végétal. Un rameau n’est qu’une plante nouvelle portée par une tige au lieu de tenir au sol, et un arbre est l’assemblage d’un grand nombre de plantes vivant toutes sur un tronc commun. Un bourgeon et une racine, voilà toute la plante, car la tige n’est que la réunion des racines de tous les bourgeons qui descendent les unes à côté des autres pour aller s’implanter dans le sol, et la fleur elle-même n’est qu’un bourgeon métamorphosé[1]. Cette idée si simple, l’identité originelle de toutes les parties végétales, la feuille considérée comme l’organe fondamental, unique même, dont tous les autres ne sont que la transformation, est devenue élémentaire aujourd’hui; mais le temps n’était pas venu où des naturalistes, comme Keiser, écrivent: « La métamorphose est certainement la conception la plus vaste qu’on ait eue depuis longtemps en philosophie végétale,» où Nëes d’Esenbeck se propose d’étendre aux végétaux inférieurs l’idée morpho-

  1. Ch. Martins, la Métamorphose des Plantes de Goethe et la Loi de Symétrie l’Aug. de Candolle.