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M. d’Hunolstein. En revanche, nous croyons inédites les graves citations qui suivent :


« Dans une lettre que la reine m’a fait l’honneur de m’écrire, poursuit Fersen, elle me mande « Quel malheur que l’empereur nous ait trahis! S’il nous avait bien servis seulement depuis le mois de septembre, où je lui avais écrit en détail, le congrès aurait pu être établi le mois prochain, et cela aurait été trop heureux, car la crise marche à grands pas ici, et peut-être devancera-t-elle le congrès; alors quel appui aurons-nous? Plus loin, en parlant des factieux avec lesquels elle est obligée de traiter, elle dit : « Quelle joie si je puis un jour leur montrer que je n’ai pas été leur dupe! Il faudra que le baron (de Breteuil) presse de notre part la Russie et l’Espagne. J’espère que nos lettres aux puissances leur montreront nos vrais caractères. Ce que l’on dit de mes lettres à l’empereur est incompréhensible, et je commence à soupçonner qu’on imite mon écriture pour lui écrire; je veux éclaircir ce fait. »


La voilà à son tour, cette malheureuse reine, non pas tout entière, — la grâce qui brillait en elle aux années de bonheur n’a que faire ici en vue de l’abîme, — mais douée d’une énergie et d’une activité viriles qu’tin ne lui soupçonnait pas avant de connaître ces documens de l’année 1791. Ses lettres à Mercy, et en général toutes celles de ses dernières années qu’on a publiées d’après les originaux (autographes on copies) conservés aux archives de Vienne[1], sont à cet égard d’un intérêt inappréciable. Quelques fragmens de ces correspondances, transportés jadis dans nos archives, avaient été rendus publics vers 1835. L’opinion, imparfaitement éclairée alors, n’y aperçut que de nouveaux motifs de condamnation contre Marie-Antoinette. Maintenant que de plus complètes révélations sur cette terrible époque nous ont découvert toutes les fautes de part et d’autre et tous les mérites, devenus plus équitables parce que nous sommes mieux instruits, nous reconnaissons que ce ne sont pas les vrais ennemis de la révolution qui ont été le plus cruellement punis par elle ce sont en définitive les fautes de ceux-là et les fautes de la révolution elle-même qu’ont surtout expiées les plus illustres victimes.

En résumé, nous avons vu la division du parti de la gour après Varennes, l’échec du parti des princes malgré leur apparent triomphe d’un moment à Pillnitz, l’éloignement toujours plus motivé qu’ils inspiraient au parti du roi, puis les embarras, les incertitudes, les résolutions incomplètes et tardives de Louis XVI. Gustave III, bien qu’il partageât les illusions des princes, n’a cessé, il est vrai, d’être recherché, mais comme par habitude, comme

  1. Voir particulièrement le recueil de M. Feuillet de Conches.