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écrite par la reine le même jour, en vue du même objet, à l’impératrice Catherine II. Après avoir développé à nouveau les argumens de la cour, Fersen invoque la lettre de Louis XVI à M. de Breteuil, dont il envoie pareillement copie avec de nouvelles citations de Marie-Antoinette.


« Votre majesté verra par la lettre du roi au baron de Breteuil, que j’ai l’honneur de lui envoyer, les raisons qui l’ont engagé à la démarche contre les électeurs. Le roi en attend un grand avantage, si les princes de l’empire font des réponses fermes et sages, et si les puissances veulent prendre leur parti. La reine me mande à ce sujet « Je pense, comme vous, que le mal seul ne peut pas opérer le bien, et c’est pour cela qu’il faut une force étrangère et extérieure; mais vous croyez que les Français réfléchissent et qu’ils sont capables de suivre un système! Vous leur faites trop d’honneur. En attendant, je crois que nous allons déclarer la guerre, non à une puissance qui aurait des moyens contre nous, — nous sommes trop lâches pour cela, — mais aux électeurs et à quelques princes d’Allemagne dans l’espoir qu’ils ne pourront se défendre. Les imbéciles! ils ne voient pas que, s’ils font telle chose, c’est nous servir, parce qu’enfin il faudra bien, si nous commençons, que toutes les puissances s’en mêlent pour défendre les droits de chacun; mais il faut que les puissances soient bien convaincues que nous ne faisons ici qu’exécuter les volontés des autres, que toutes nos démarches sont forcées, et que dans ce cas la meilleure manière de nous servir est de bien nous tomber sur le corps[1]. »

« D’après cette certitude du désir du roi et de la reine, — reprend Fersen, — et celle où je suis des intentions de votre majesté, j’ai écrit au baron Oxenstierna pour qu’il engage les électeurs à faire une réponse sage, mais ferme, et j’ai l’honneur d’envoyer à votre majesté copie du projet que j’ai fait passer à ce sujet. Pour vous donner, sire, une idée plus précise des sentimens du roi et de la reine, voici quelques passages de la lettre que cette princesse écrit au comte de Mercy « Voici le moment le plus important pour nous. Notre sort va être entièrement entre les mains de l’empereur de lui va dépendre notre existence future. J’espère qu’il se montrera mon frère et le véritable ami et allié du roi, je dis du roi seul, car celui qui servira ses intérêts en ce moment peut aussi sauver la France d’une ruine totale… Il n’a fait aucune réponse à mes lettres, et j’apprends de toutes parts que j’écris lettre sur lettre à Vienne pour le conjurer de ne se point mêler de nos affaires, et que par conséquent il est lié à ne rien faire. J’avoue que toutes ces circonstances auraient bien lieu d’affliger mon cœur, si je n’étais persuadée que cette trame infernale part d’ici. C’est ce qu’il est essentiel d’éclaircir… »


Fersen continue à donner là des extraits assez étendus d’une lettre de la reine à Mercy, qu’on trouvera encore dans le recueil de

  1. Ces mêmes lignes de Marie-Antoinette figurent dans une lettre au comte de Mercy que M. d’Hunolstein a publiée (6 décembre 1791, 3e édition, page 303).