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n’a peut-être pas été surpassé dans son pays va-t-elle jusqu’à rehausser de louanges égales toutes les parties de son caractère et de sa conduite, et il lui décerne ou peu s’en faut l’infaillibilité politique mais il est tellement sincère, attentif, exact, qu’il met dans les mains du lecteur tous les moyens de juger, s’il y a lieu, autrement que lui, et dans les occasions très rares où nous oserions risquer une appréciation différente de la sienne nous ne consulterions pas un autre livre que le sien.

Un mérite analogue se révèle dans les essais sur les administrations de la Grande-Bretagne de 1783 à 1830 laissés par sir George Cornewall Lewis[1]. Le ministre et l’écrivain dont la politique et les lettres déplorent également la perte prématurée, le philosophe qui a participé à la renaissance des études logiques en Angleterre, l’helléniste qui a publié les premiers commentaires sur des textes fraîchement découverts, l’historien qui est entré en lice avec Niebuhr au sujet des antiquités primitives de Rome, le publiciste qui a porté dans la politique spéculative les lumières que donnent l’érudition et l’expérience, l’ami de Tocqueville qui a été directeur de la Revue d’Édimbourg et chancelier de l’échiquier, n’a pas composé des administrations de son pays une histoire suivie et complète; mais ses essais détachés, qui se rejoignent aisément, que lie ensemble le fil d’un esprit méthodique et consistant, offrent un ensemble de faits et de jugemens qu’on n’aurait pu, sans des recherches multipliées, recueillir et rapprocher. Aussi, avec son secours et celui de quelques autres ouvrages de moindre valeur, il nous semble facile de réunir ici quelques traits d’une esquisse du gouvernement de l’Angleterre durant une période assez récente, et cependant peu connue, celle qui s’est écoulée depuis la fin de Pitt et de Fox jusqu’au ministère de la réforme.


I.

Les deux grands noms que nous venons d’écrire ont longtemps absorbé toute l’attention de quiconque voulait étudier l’Angleterre dans sa dernière et terrible lutte contre la France. Cependant cette lutte n’a pas fini avec eux, puis elle a été suivie d’une paix d’un demi-siècle, bienfait inouï pour les deux pays et pour le monde. Il n’y a donc que justice à s’enquérir de ce qu’ont fait et de ce qu’ont valu les successeurs de Pitt et de Fox. Aussi bien ce recueil a-t-il déjà envers l’un et l’autre assez largement acquitté sa dette. Depuis les excellens travaux de M. de Viel-Castel sur les deux Pitt,

  1. Essays on the Administrations of Great Britain from 1785 to 1830, by sir George Lewis, 1864.