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lagement d’avoir des preuves d’un sentiment intime comme celui qui m’est rendu par cette lettre. La part, sire, que vous prenez à tout ce qui regarde mon intérêt m’attendrit au plus, et je reconnais à chaque mot l’auguste âme d’un roi que le monde admire, tant pour son cœur magnanime que pour sa sagesse. Je prie votre majesté de croire que je ne suis pas le dernier qui reconnais ces vertus, et que je compte pour le bonheur le plus satisfaisant d’avoir reçu ces nouveaux témoignages de leur existence, monsieur mon frère et cousin, de votre majesté le plus affectionné frère et cousin,

« LOUIS. »

Tout en poursuivant ses négociations à l’étranger, il avait pris un ensemble de mesures intérieures pour protéger ses propres sujets contre l’invasion de l’esprit révolutionnaire interdiction aux gazetiers de tout commentaire ou compte rendu relatif à ce qui se passait en France ; défense aux gens de théâtre et à ceux qui montraient des figures de cire d’aucune exhibition offrant aux regards des Suédois les faits et gestes ou les traits mêmes des démocrates français. Tout entier d’ailleurs à ses projets belliqueux, le roi de Suède priait M. de Pahlen, le représentant de Catherine II à Stockholm, de lui servir d’aide-de-camp-général dans la prochaine croisade. Un régiment de la garde suédoise venant à faire son entrée dans Stockholm par suite d’un changement de garnison, Gustave donna, au milieu de l’étonnement public, un grand appareil à ce très simple incident militaire. Il assigna dans le défilé, auquel il se rendit lui-même, une place à M. de Pahlen, qui commencerait de la sorte, disait-il, ses nouvelles fonctions auprès de lui. Il lui fit remarquer dans cette cérémonie, ajoute un témoin oculaire, la représentation de sa future entrée dans Paris. « On croirait que ce n’est qu’une plaisanterie, ajoute le narrateur, mais cela s’est dit avec un grand sérieux[1]. »

Il est vrai que Gustave III avait autour de lui quelques dangereux conseillers, comme ce baron de Taube, ennemi acharné de la révolution, auquel les émigrés, dit un auteur suédois, avaient promis, pour qu’il jouât ce rôle, une pension annuelle de 80,000 francs après la restauration accomplie. Il y avait aussi M. d’Escars, que l’on retrouve ici en qualité de plénipotentiaire des princes. M. d’Escars, que nous avons quitté à la fin de son agréable excursion à travers les petits états de l’Allemagne pendant l’année 1789,

  1. Dépêche du comte de Reventlow, ministre danois à Stockholm, en date du 20 septembre 1791 ; archives du ministère des affaires étrangères de Copenhague. Je dois en outre la communication d’une copie de la correspondance diplomatique échangée entre M. de Reventlow et le comte de Bernstorff, ministre des affaires étrangères de Danemark, où j’ai fait déjà d’assez nombreux emprunts, à l’obligeante initiative de M. le comte E. de Moltke.