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kau, frère du marquis de Bombelles, lui parut pencher vers les principes révolutionnaires aussi, bien qu’il l’eût personnellement connu naguère, l’ayant eu sous ses ordres dans les gardes du corps du comte d’Artois, il se tint à son égard dans une soigneuse réserve. — De Charles-Eugène, duc de Wurtemberg, M. d’Escars ne sait trop que penser. Le duc ne pactisait pas avec la révolution, mais il était du nombre de ces princes d’Allemagne qui recevaient leurs inspirations de la Prusse et continuaient l’école philosophique et politique inaugurée par Frédéric II. Le Wurtemberg était devenu sous sa domination un champ d’expériences pour l’actif esprit de réforme qui animait le XVIIIe siècle. Enseignement, industrie, agriculture, avaient reçu de ce prince une impulsion dont les traces ne sont pas entièrement effacées aujourd’hui c’est le duc Charles-Eugène qui a créé le château et le parc de Hohenheim, où l’on voyait de son temps, comme un symbole de l’ardeur tumultueuse d’alors, un confus amas de constructions imitant toutes les époques, des thermes romains et des temples grecs à côté d’églises gothiques, des mosquées turques en face de cottages anglais. De lui aussi datait cette Carls-Schule que le grand nom de Schiller a rendue célèbre. M. d’Escars pensait sans doute qu’il était téméraire d’encourager l’esprit de réforme dans un temps où ses excès étaient si visibles. « Je fus fréquemment invité, dit-il, au château de Hohenheim, qu’habitait alors le duc régnant, homme d’esprit sans doute et fort instruit, mais qui donnait à plein collier dans la ridicule singerie de Frédéric II et dans la manie d’avoir une légion de géans auxquels il payait des engagemens monstrueux. Avec sa petite armée de six à huit mille hommes et sa légion de brigands, ramassis de toutes les nations, il se croyait à l’abri des maximes françaises. » Il avait pourtant auprès de lui, pour prédicateur de sa cour, ce moine apostat Euloge Schneider, qui devint président du tribunal révolutionnaire à Strasbourg, ensanglanta l’Alsace, et périt sur l’échafaud après avoir été arrêté par ordre de Saint-Just et de Lebas.

L’électeur de Bavière, que M. d’Escars visita ensuite, sexagénaire et malade, ne s’occupait de l’administration de ses états que pour piller son propre trésor à l’insu du pays en faveur de ses nombreux bâtards; toutefois son indolence avait laissé le champ libre, là aussi, à l’esprit de réforme.


« Le véritable arbitre de tout à cette cour, dit M. d’Escars, était un Anglo-Américain nommé Thomson, devenu depuis, à une vacance de l’empire, comte de Rumford, les électeurs de Bavière et de Saxe ayant, pendant leur vicariat, le droit de créer des princes et des comtes. C’est le même comte qui est connu par les soupes et les cheminées à la Rumford et beaucoup d’autres objets tenant à l’industrie et à la physique. Retiré en France, il y