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tés des mœurs anglaises donnent aux hommes politiques plus d’occasions de laisser des preuves écrites de leurs intentions et de leurs démarches. Ils ne se claquemurent pas dans Londres, et à Londres ils ne s’isolent pas dans leurs bureaux ou leur cabinet. Au milieu du tracas des affaires, ils vont à la campagne, visitent leurs amis, font des séjours aux eaux ou aux bains de mer, et c’était ainsi même avant que les chemins de fer fussent inventés. De là de fréquentes nécessités pour ces politiques voyageurs, pour ces ministres ambulans, de correspondre entre eux, de s’adresser des questions, des avertissemens, jusqu’à des nouvelles. Les billets mêmes où ils se donnent rendez-vous, où ils se communiquent l’objet, le jour et l’heure d’une conférence ou d’un conseil, peuvent servir à fixer une date, à établir le lien des causes et des effets, à déterminer la part de chacun dans une délibération importante. Ceux qui hors de la capitale leur donnent l’hospitalité, ceux qui font une promenade à cheval avec eux, tiennent souvent un journal de leurs conversations. Ces entretiens entre gens de même parti ou de partis divers prennent souvent le caractère d’une entrevue dont on a soin de constater les détails ou les résultats. Les conseils de cabinet eux-mêmes ne sont pas de simples causeries qui ne laissent aucune trace. Souvent le premier ministre ou celui qui a provoqué la réunion y présente un rapport où les questions sont exposées, les solutions discutées. Robert Peel n’y manquait jamais, et la série de ses memorandum spéciaux, éclaircis et complétés par les débats auxquels ils ont donné lieu, font le grand intérêt de ses mémoires, si instructifs pour qui veut apprendre l’art de traiter méthodiquement les grandes affaires. Les avis opposés y sont souvent résumés et motivés dans une lettre ou une note communiquée aux membres du gouvernement. Les délibérations prises sont presque toujours mentionnées avec les noms des délibérans sur des minutes qui forment comme les archives du cabinet. Enfin, quand il faut obtenir l’agrément du roi ou lui rendre compte de l’état d’une affaire, la communication est rarement orale et directe, et le premier lord de la trésorerie entretient avec le prince un commerce épistolaire. Le roi ne tient guère de conseil privé que pour donner une forme régulière à des décisions prises antérieurement dans le cabinet. Les ordres en conseil ont seuls un caractère obligatoire pour les sujets britanniques; les résolutions du cabinet, qui n’est guère qu’un comité du conseil privé, ne sont valables que pour les ministres et ceux de leurs subordonnés auxquels ils les notifient. Ainsi une grande partie du gouvernement se résout en une procédure écrite. Ajoutons que les deux premiers rois de la maison de Brunswick ne parlaient pas anglais, ou le parlaient si mal que Walpole, si