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parmi le peuple établi dans les résidences fixes, le sentiment qui porte à vouloir propager une race pure n’est pas aussi fort, et les noirs se marient avec les Arabes des villes et des villages. Or les noirs sont déjà très nombreux dans la péninsule. Sans parler des esclaves que, d’après la relation de Guarmani, possède le cheik du Djebel-Shammar, M. Wallin cite à Tébouk et à El-Djôf des tribus entières d’anciens esclaves noirs. Il y aussi beaucoup de nègres dans le Nedjd. L’émir Saoud entretenait un grand nombre d’esclaves noirs son favori Hark, qui était de cette couleur, a quelquefois commandé des expéditions. Au siège de Derryeh, en 1817, la garde particulière d’Abd-Allah était composée de 400 noirs. Le trésorier actuel de l’émir du Nedjd est un nègre. Dans le Hedjaz, les grands-chérifs entretenaient aussi des soldats noirs. Il y a à Médine un assez grand nombre d’Abyssins; des femmes de cette race noire y sont mariées à des habitans. A Djeddah et surtout à La Mecque, l’usage d’entretenir des esclaves abyssiniennes et de les épouser est très répandu. Burckhardt attribue à ces mélanges le teint foncé qui distingue les habitans de cette dernière ville de ceux du désert. Les relations de M. Palgrave renferment des détails intéressans et précis sur l’accroissement rapide de l’élément noir dans l’Oman et dans le sud du Nedjd. M. Botta a constaté que dans les montagnes de l’Yémen la population, qui a été peu mélangée, reste complétement blanche et remarquable par la beauté des. traits, les cheveux longs, le nez droit, les yeux grands et ouverts, et que dans le Téhama au contraire la population sédentaire est devenue presque noire. Les Arabes ont laissé dans ces mélanges leur physionomie propre, et leur langue en a été altérée au point de devenir difficilement intelligible. Si cette population continue à s’imprégner de sang noir, elle y perdra ce qu’elle peut avoir conservé de vigueur, de distinction et de noblesse.

il est remarquable que les familles princières soient celles qui montrent le moins de souci de conserver la pureté de leurs races. Les récits des voyageurs en fournissent de nombreux exemples. L’émir Kaled, un prétendant au trône du Nedjd, qui est mort à Djeddah en 1857, était appelé l’émir noir à cause de sa couleur. Le grand-chérif Yayah était presque noir. Le fils du cheik Hassan, qui ne voulut pas permettre à M. Botta de lui rembourser un prêt en disant par métaphore que sa figure deviendrait noire, était le fils d’une négresse, dont il avait le teint. En 1763, l’iman régnant de Saana était d’une couleur noirâtre; il avait une vingtaine de frères; dont quelques-uns, dit Niebuhr, noirs comme de l’ébène, avec le nez épaté et de grosses lèvres, comme les Cafres d’Afrique. Lorsque lord Valentia visita Saana en 1805, l’aîné des fils de l’iman