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blesse qui relève l’âme humaine. Et puis entre les deux systèmes, entre le temps ancien et le temps nouveau, quel est donc en vérité celui qui est le plus favorable à l’influence religieuse ? Où en était le monde vers cette heure de 1789 qu’on nous propose lestement d’effacer et qu’il est de bon ton aujourd’hui, dans certaines sphères, de railler presque agréablement ? La religion était-elle si florissante ? Les mœurs étaient-elles plus pures ? Les membres de l’église étaient-ils des modèles de science et de vertu ? Le progrès social avait-il pris un développement qui a été tout à coup interrompu par la révolution ? Où donc la domination ecclésiastique a-t-elle conduit particulièrement les états pontificaux ? Ici, il faut l’avouer, M. Relier est obligé de se jeter dans des explications un peu embarrassées ; il dit que « Rome est le centre où les misères de tous les temps et de tous les peuples sont venues se réunir et exercer sans relâche une influence fatale. » Retournant un mot de Lacordaire, il assure que ce n’est pas le saint-siège qui est un gouvernement d’ancien régime, que ce sont les Italiens qui sont devenus des peuples d’ancien régime. Comprenne qui pourra. — Quels sont au contraire les résultats de l’ordre nouveau partout où il a prévalu ? La liberté, par la séparation des pouvoirs, n’a-t-elle pas vu les chaires retrouver leur ascendant, les ordres monastiques reparaître, la science rentrer dans les études, dans les travaux d’apologétique chrétienne ? Il faut bien cependant juger les régimes par leurs fruits. Comparez les deux époques : j’aime mieux pour ma part, même dans cet ordre religieux, le temps qui produit Mgr Darboy, archevêque de Paris, et M. l’évêque d’Orléans, que le temps qui a produit le cardinal de Rohan, et ce serait presque une naïveté d’opposer ce présent à ce passé, si à tout instant ne revenaient ces vaines apologies où la frivolité se cache sous des airs de profondeur.

Oui certes, ce temps, qu’on représente souvent comme entièrement perverti dans son esprit, et à qui on fait l’obligation de répudier tout d’abord ce qu’on nomme les idées modernes, ce temps vaut mieux que beaucoup d’autres temps, à n’en juger que par le côté religieux. Il ne faut pas que l’influence de ces idées soit si funeste, puisque nos églises, et, entre toutes, celles qui ont le plus vécu dans cette atmosphère, valent mieux assurément que les églises de bien d’autres époques. La papauté, même dans le naufrage de son pouvoir temporel, et peut-être à cause de ces épreuves, vaut mieux que la papauté telle qu’on l’a vue à bien des momens de son existence. Les élections des papes ne laisseront plus voir les scènes que M. Petruccelli della Gattina raconte dans l’Histoire diplomatique des Conclaves, qu’il achève aujourd’hui. Bannissez la politique, que d’intrigues de moins ! Une histoire des conclaves, dis-je, c’est aussi une histoire morale, philosophique de l’Italie : œuvre passionnée, un peu enluminée de couleurs voyantes, mais copieuse et instructive. L’auteur est trop Italien, il a l’imagination trop ardente pour ne pas céder au ressentiment qu’éprouvent beaucoup d’Italiens contre la papauté politique et pour garder autant d’impartialité qu’il se le propose. Son livre fait du moins pénétrer dans des ré