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lien peut disposer lui-même. Quant aux sentimens que les Américains professent, pour la nation française, ils ont été fidèlement exprimés, nous en sommes sûrs, par le président du meeting américain, M. Jay de New-York. « L’élément français, a-t-il dit dans une allocution que nous avons été fâchés de ne rencontrer dans aucun de nos journaux, l’élément français a été de bonne heure et largement mêlé à notre sang transatlantique. Parmi les cinq commissaires des états qui signèrent la paix de 1783, il y avait deux descendans de huguenots. Dans la guerre qui vient de finir, comme dans celle de la révolution, des officiers français ont combattu à côté des nôtres, et à côté l’un de l’autre sont suspendus dans notre chambre des représentans comme un témoignage de la prompte alliance des deux peuples, les portraits de Lafayette et de Washington. Enfin le premier Napoléon nous a cédé pour une chanson en quelque sorte le vaste territoire d’Orléans, qui va de l’extrémité du golfe au Mississipi, où les noms, les mœurs et les traditions perpétuent les plaisans souvenirs de France. » À coup sûr, devant un auditoire français, ces témoignages d’amitié cordiale entre les deux peuples eussent reçu les mêmes applaudissemens unanimes qui les ont couverts dans l’assemblée américaine du Grand-Hôtel. e. forcade.



REVUE LITTÉRAIRE.

QUELQUES ÉCRITS CONTEMPORAINS.

La science, comme la guerre, comme l’art, comme la politique, a ses soldats emportés souvent dans le feu du combat, frappés en plein essor de la vie. Gratiolet, l’éminent professeur mort il y a dix mois, était certainement un de ces soldats, et des plus nobles. Il est tombé sur son champ de bataille à lui, au milieu de ses attachantes et fécondes expériences, presque la main à l’œuvre. Il est passé du travail à la mort à l’improviste, jeune d’âge, — il n’avait pas cinquante ans, — jeune surtout de sève et d’esprit, ayant fait beaucoup déjà et promettant plus encore, à l’heure enfin où ses facultés allaient pouvoir s’ouvrir dans une atmosphère plus favorable. Lorsqu’il y a moins d’une année il se sentait subitement frappé dans son laboratoire et qu’il employait ses dernières forces à gagner sa demeure, sans illusion sur un mal dont mieux que tout autre il comprenait la gravité inexorable, il achevait à peine la révision de cette leçon sur la physionomie qui venait de le signaler comme un maître non-seulement de la philosophie naturelle, mais de la parole : œuvre ingénieuse et profonde d’un esprit si fortement armé de science, si vigoureux dans l’analyse, dans la discussion, et en même temps si charmant, si enfant, dirai-je, dans la familiarité. C’est justement cette conférence de la Sorbonne qui, avec des notes et des observations nouvelles laissées par