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érudition de promeneur rustique et de fureteur des halliers m’a fait rencontrer. La première partie vient des oiseaux, la seconde des fleurs et des plantes, la troisième de ces esprits insaisissables qui se jouent dans le feuillage, les eaux et les montagnes, qui refusent de se révéler à nous autrement que par leurs chansons, leurs soupirs et leurs rires, mais dont nous connaissons le langage, sinon la figure. Le lecteur trouvera donc ici la collection des hymnes religieux de l’alouette, celle des odes du rossignol, et les trop peu nombreuses inspirations de ce très grand poète, le coucou, auquel personne jusqu’à présent, sauf quelques illustres Anglais, n’a rendu la justifie qu’il mérite. La seule part qui me revienne dans cette œuvre est la révision du texte de mes auteurs, et les éclaircissemens dont j’ai dû nécessairement l’encadrer pour le rendre intelligible aux oreilles humaines. Il m’a fallu décrire tel paysage, préciser telle heure du jour, tel jeu d’ombre et de lumière, soit pour indiquer l’endroit où j’ai recueilli ces chansons, soit pour expliquer dans quelles dispositions je les ai entendues pour la première fois, soit enfin pour permettre au lecteur d’en mieux saisir le génie en les replaçant dans leur cadre naturel. » Voilà le château en Espagne que j’avais bâti sur la foi de ce titre attrayant et plein de promesses. Ceux qui ont lu le nouveau recueil de M. Victor Hugo savent ce qui reste de notre édifice imaginaire : quelques traînées de lumière éparse et quelques flocons de nuages déchirés.

Il en reste pourtant quelque chose, il en reste assez pour prouver que nous n’avions pas si grand tort de rêver un tel recueil, et pour justifier le léger dépit que nous avons ressenti lorsqu’il nous a fallu reconnaître que notre imagination s’était trompée. Peut-être est-ce en effet le poète qui a été infidèle à sa première inspiration, J’oserais presque soutenir qu’à l’origine ce titre de chansons des rues et des bois a suggéré à l’imagination de M. Victor Hugo l’idée d’un livre répondant à peu près au programme poétique que nous venons d’esquisser, car quelques-uns des élémens de ce programme se laissent très nettement apercevoir dans les pages nouvelles que nous avons lues avec une curiosité un peu désappointée. A plusieurs reprises, le poète, en vers charmans, a expose les principes fondamentaux de l’esthétique qui conviendrait au recueil que nous désirions, et qui n’est pas venu. Ainsi dans la pièce intitulée Fuite en Sologne, où il invite un ami, fils de la Muse comme lui, à venir le rejoindre dans la solitude rustique, il exprime avec une précision heureuse le véritable caractère de cette poésie vivante qui sort des choses de la nature pour se mêler aux vers du poète, non par un artifice de ce dernier, mais de plein jet, et comme le fleuve Alphée se mêla autrefois à la naïade Aréthuse, de cette participation originale des