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du camp ennemi, où il pénétra sans exciter de soupçons. Arrivés à. la tente du chef, les gens d’Abou-Arisch poussent leur cri de guerre; Hamoud tue Abou-Nogtah de sa propre main et réussit à s’échapper dans le désordre; les Acyres, attaqués sans doute en même temps par toutes les forces ennemies, sont mis en pleine déroute. L’Yémen respira jusqu’au moment où les Égyptiens furent envoyés en Arabie au nom de la Porte.

Lorsque Méhémet-Ali eut reconquis les villes saintes et fut devenu maître du Hedjaz, il tourna ses regards vers l’Yémen. Il y expédia en 1813 un agent nommé Aga-Jousef. Le chérif Hamoud, à qui il demanda d’abord son concours contre les wahabites, fit une réponse évasive. Aga-Jousef se rendit ensuite à Saana, où l’iman lui déclara qu’il était disposé à concourir à la répression de l’ennemi commun, mais qu’il n’avait aucun moyen de le faire, ce qui était vrai. L’ennemi commun était Thamy, alors prince de l’Acyr. Thamy professait ouvertement le wahabitisme, et avait reçu l’investiture de l’émir Saoud, de même que son prédécesseur, le célèbre borgne Abou-Nogtah. Depuis cinq ans, il était en possession de la place de Confounda, qui fait partie du Hedjaz. Les troupes égyptiennes lui reprirent cette place en 1814, au mois de mars, non sans y perdre beaucoup de monde. En mai, les Acyres, sous le commandement de Thamy en personne, surprirent la même ville. La garnison égyptienne s’embarqua précipitamment, poursuivie l’épée dans les reins jusque sur ses navires. Les bagages, les armes, les munitions, les bêtes de somme, les chevaux, restèrent au pouvoir du vainqueur.

Méhémet-Ali dirigea tous ses efforts contre ces wahabites du sud et marcha contre eux en personne au commencement de l’année 1815. C’est alors qu’il remporta l’importante victoire de Bisel, appelée aussi la « victoire de Koulacq. » Le vice-roi déploya en cette grande lutte autant d’énergie que de talent. Il sut, par une retraite simulée, attirer son impétueux ennemi dans la plaine. Ce fut la cause de la défaite des wahabites, à qui l’émir Saoud avait pourtant recommandé en mourant de ne jamais combattre les Égyptiens en rase campagne. L’armée arabe était commandée par Fayssal, fils de Saoud; au premier rang des combattans était Thamy avec les Acyres, dont quelques-uns déployèrent un courage héroïque. Des détachemens entiers de ces Arabes furent trouvés, sur les montagnes, liés ensemble par des cordes qui entouraient leurs jambes. En quittant leurs familles, ils avaient juré de ne pas fuir ils n’attendirent pour cesser de se battre que le moment où leurs munitions furent épuisées, et finirent par être taillés en pièces sans quitter le poste qu’ils s’étaient assigné eux-mêmes. La même an-