Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques pays peu importans dont l’existence séparée est contestable ou précaire, et qui n’ont pas été mêlés aux événemens dont nous nous occupons.

Dans un précieux mémoire sur l’Arabie[1], le savant M. Jomard donne le récit d’un témoin oculaire de l’invasion des wahabites, le cheik A’ous. D’un autre côté, M. Playfair, capitaine de l’artillerie de Madras et premier assistant politique résident d’Aden, a publié à Bombay en 1859 une histoire de l’Arabia Felix ou Yémen, qui contient des renseignemens pleins d’intérêt sur ce pays. C’est à ces sources, ainsi qu’aux travaux et aux correspondances des savans et des voyageurs français, que nous avons puisé nos informations sur l’Yémen et l’Acyr.

Lorsque les wahabites se furent solidement établis dans le Nedjd et qu’ils eurent conquis le Hedjaz, ils se tournèrent vers l’Yémen, où leur réussite ne fut jamais aussi complète. Seuls les Acyres acceptèrent facilement la réforme, et l’émir Saoud mit à leur tête un de ses chefs, Abd-el-Hakal, surnommé, à cause d’une taie qui le rendait borgne, Abou-Nogtah ou le Père de la tache. Abou-Nogtah fut chargé en 1804 de propager la nouvelle doctrine dans l’Yémen à la façon du pays, c’est-à-dire par la guerre. Il s’adressa d’abord à l’état qui touche immédiatement à la frontière méridionale de l’Acyr. Cet état, la principauté d’Abou-Arisch, était alors possédé par un chérif nommé Hamoud Abou-Mesmar, qui refusa d’adopter la croyance wahabite et fut attaqué par les Acyres. La guerre fut si terrible, dit le narrateur arabe, que les chevaux nageaient dans le sang. La ville d’Abou-Arisch fut forcée de se rendre et Hamoud de s’enfuir. L’iman de Saana était trop faible pour arrêter les envahisseurs. Deux villes importantes de la côte, Loheïa et Hodeïda, tombèrent au pouvoir d’Abou-Nogtah.

Cependant le chérif d’Abou-Arisch, Hamoud, après avoir adopté ostensiblement le wahabitisme, avait été rétabli dans sa principauté. En 1809, il rompit avec les wahabites et replaça sous l’autorité de l’iman Loheïa et Hodeïdah. A la nouvelle de cette défection, Abou-Nogtah marcha contre lui au mois de juillet, et remporta un premier succès à Djezan; mais Hamoud ne se laissa pas abattre, et avec des secours venus de Saana il réunit environ trois mille fantassins et quatre cents cavaliers. Le prince des Acyres était campé avec une dizaine de mille hommes près d’Abou-Arisch. Hamoud quitta cette ville la nuit avec quarante cavaliers déguisés en wahabites, et, faisant un circuit, il atteignit à l’aube l’arrière-garde

  1. Imprimé à la suite de l’Histoire sommaire de l’Égypte sous le gouvernement de Mohammed-Ali, par M. Félix Mengin.