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gravitation, qui, depuis la publication du livre des Principes, n’avait subi aucun perfectionnement sérieux, était reprise, pour la première fois après cinquante ans, à l’aide de méthodes nouvelles et plus puissantes. Par une coïncidence singulière, Clairaut, dans la même séance, présentait un mémoire sur le même sujet, dont Euler, alors à Berlin, s’occupait activement, sans en avoir toutefois rien communiqué au public.

La lune est attirée non-seulement par la terre, mais encore par le soleil, dont l’action détermine les irrégularités de son cours. Il faut bien remarquer cependant que le soleil attire la terre en même temps que la lune, et que, s’il exerçait sur toutes deux des forces parfaitement égales, l’influence sur leur mouvement relatif en serait insensible, et ce mouvement est le seul que l’on ait besoin de connaître, et dont la recherche constitue la théorie de la lune. Les irrégularités qu’il faut déterminer proviennent de l’inégalité des deux attractions et de leur direction différente. Ces attractions sont connues à chaque instant, et les principes de la statique permettent d’en déduire la force, dont il faut seul tenir compte.

Cette considération, on le pense bien, ne pouvait échapper à Newton. Il a déterminé la force perturbatrice en en déduisant avec beaucoup d’habileté l’explication des principales inégalités de la lune, et Laplace n’hésite pas à considérer le chapitre consacré à cette question comme l’un des plus profonds du livre admirable des Principes. Les difficultés du problème, non encore surmontées aujourd’hui après deux siècles d’efforts, justifient cette appréciation malgré les immenses lacunes qui subsistent et les licences tout à fait insolites en géométrie que se permet l’immortel auteur. C’est ainsi que dans le calcul de l’inégalité nommée variation, et du mouvement rétrograde de la ligne des nœuds, suivant laquelle le plan de l’orbite coupe celui de l’écliptique, Newton néglige, sans en donner de raison plausible, l’excentricité de l’orbite lunaire, qu’il remplace par un cercle, alors même qu’il n’est pas bien évident qu’après les perturbations qu’elle a subies on ait le droit d’en faire une ellipse.

En réalité, l’illustre auteur du livre des Principes n’avait fait, suivant d’Alembert, qu’ébaucher les premiers traits de la matière. Quelque lumière qu’il ait portée dans l’ordre de l’univers, il n’a pu manquer, ajoute-t-il, de sentir qu’il laisserait beaucoup à faire à ceux qui le suivraient, et c’est le sort des pensées des grands hommes d’être fécondes non-seulement dans leurs mains, mais dans celles des autres. L’analyse mathématique a heureusement acquis depuis Newton, — c’est toujours d’Alembert qui parle, — différens degrés d’accroissement ; elle est devenue d’un usage plus