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célèbre alors et que les géomètres, qui peuvent seuls en approfondir la discussion, résolvent tous aujourd’hui, d’une même voix, dans un sens opposé à celui qu’il adopte. Les lois de la mécanique sont-elles des vérités nécessaires ou contingentes ? Peut-on, en d’autres termes, par le seul raisonnement, et en dehors de toute expérience, démontrer les principes de la science du mouvement ? « Pour fixer nos idées sur cette question, il faut, dit d’Alembert, d’abord la réduire au seul sens raisonnable qu’elle puisse avoir. Il ne s’agit pas de décider si l’auteur de la nature aurait pu lui donner d’autres lois que celles que nous lui observons ; dès qu’on admet un être intelligent et capable d’agir sur la matière, il est évident que cet être peut à chaque instant la mouvoir et l’arrêter à son gré, ou suivant des lois uniformes, ou suivant des lois qui soient différentes pour chaque instant et pour chaque partie de matière ; l’expérience continuelle de notre corps nous prouve assez que la matière, soumise à la volonté d’un principe pensant, peut s’écarter dans ses mouvemens de ceux qu’elle aurait véritablement, si elle était abandonnée à elle-même. La question proposée se réduit donc à savoir si les lois de l’équilibre et du mouvement qu’on observe dans la nature sont différentes de celles que la matière abandonnée à elle-même aurait suivies. »

Cette seule manière raisonnable de poser la question semble, il faut l’avouer, bien singulière, et l’idée de considérer la matière abandonnée à elle-même et affranchie du gouvernement, on pourrait presque dire du joug de la raison souveraine qui la remue comme il lui plaît, laisse entrevoir l’ami de Diderot disposé déjà à écarter partout et toujours de sa philosophie les argumens puisés dans une telle considération.

Peu de temps après l’apparition de la Mécanique, l’Académie de Berlin couronnait le mémoire présenté par d’Alembert en réponse à la question proposée par elle sur la cause générale des vents, et admettait par acclamation le jeune lauréat au nombre de ses membres, Quoique l’Académie de Berlin se soit déclarée pleinement satisfaite, l’ouvrage de d’Alembert est bien loin, il faut l’avouer, de mériter, sans restrictions, les éloges qui lui furent accordés et l’admiration qu’il excita chez les juges du concours.

Il s’agissait de rechercher la cause des vents, réguliers qui règnent à la surface de la terre et d’en calculer les effets. L’ouvrage de d’Alembert ne découvre pas le véritable secret du mécanisme, aujourd’hui bien connu dans ses traits généraux au moins, qui explique les vents alizés soufflant sans cesse dans la zone torride et presque exactement de l’est vers l’ouest. Ils sont produits par les différences de température, qui dans ces régions déterminent l’élé-