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plein d’eau ; cette muraille peut avoir deux kilomètres de tour ; des portes fortifiées, précédées de ponts, donnent accès dans la demeure taïkounale. En faisant le tour de cette enceinte, nous longeâmes un large emplacement quadrangulaire entouré d’une barricade de planches, et dont le sol entièrement nu paraissait avoir été récemment dévasté ; quelques souches d’arbres calcinées, l’orifice béant de deux ou trois puits, des débris informes de tuiles et de pierres, témoignaient que des habitations avaient dû exister sur ces terrains désolés. « Le palais de Tcho-chiou ! » nous dirent laconiquement, en montrant du doigt l’emplacement, les yakounines à cheval qui nous servaient d’escorte. C’était en effet tout ce qui restait du palais du prince de Nagato.

Le gorogio ou conseil des ministres du taïkoun siège dans un grand édifice voisin de l’enceinte taïkounale. Le lendemain de l’arrivée des divisions, une séance solennelle réunit les membres de ce conseil aux ministres des puissances européennes, accompagnés des commandans en chef. Les représentans des états européens s’étaient installés la veille à leurs légations respectives, escortés de forts détachemens de soldats et de marins-fusiliers qui campèrent pendant ces quelques jours dans les dépendances des légations. Comme d’habitude, une armée de yakounines en occupait les issues[1]. Dans cette séance (du 30 septembre 1864) furent discutées les bases d’un arrangement général des difficultés pendantes, arrangement qui fut libellé définitivement quelques jours après. Le gouvernement japonais renonçait à réclamer la fermeture du port de Yokohama ; il cesserait d’apporter des entraves au commerce, et en particulier laisserait immédiatement arriver les soies sur le marché de Yokohama. Il acceptait désormais la convention de Paris, et se chargeait de faire appliquer le traité provisoire signé par le prince de Nagato et les commandans en chef. L’indemnité, arrêtée, comme chiffre total, à 18 millions de francs, serait payée par ses soins aux gouvernemens étrangers. Enfin les représentans des puissances seraient réinstallés à Yédo, où l’on s’occuperait de leur reconstruire des légations. Sir R. Alcock insista néanmoins pour l’insertion dans la convention d’un article laissant aux gouvernemens étrangers le choix d’accepter l’indemnité ainsi fixée, ou de réclamer, en place de cette indemnité, l’ouverture au commerce maritime du port de Simonoseki[2].

  1. Ces précautions, malgré le calme dont paraissait jouir Yédo, ne paraissaient pas plus inutiles que par le passé. Un fanatique parvint à pénétrer, pendant une des premières nuits, dans la légation hollandaise ; il fut mis en pièces, après avoir toutefois eu le temps de surprendre et de blesser plusieurs des yakounines de garde.
  2. Les gouvernemens étrangers se sont récemment, d’un commun accord, prononcés pour l’acceptation du paiement de l’indemnité.