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forme au pied de ce monticule un long ruban coupé par une anse et une petite rivière. Ses rues sont irrégulières, bordées de maisons étroites et peu élevées ; très propres à l’intérieur, comme toutes les habitations japonaises, elles ont revêtu extérieurement, grâce à leur vétusté, une couleur de vieux bois où le peintre retrouverait avec délices toute la gradation des tons les plus chauds de la palette. C’est d’ailleurs le caractère de toutes les vieilles villes japonaises, et qui manque à Yokohama, de construction toute récente. La plupart des rues sont garnies de boutiques et très fréquentées ; les hôtelleries, les magasins, de denrées et d’étoffes, les ateliers d’artisans ajoutent leur animation à celle de la foule. Simonoseki est un des principaux entrepôts du commerce japonais. Les jonques marchandes, en quantités innombrables, chargées de riz, de soie, de coton, de bois de construction, de cargaisons de denrées et de saki (eau-de-vie de riz), passent à toute heure le détroit ; beaucoup d’entre elles stationnent ou déchargent à Simonoseki, mouillées tout contre la ville et dans l’étroit canal qui passe au nord d’Hikosima. Lors de notre arrivée dans le détroit, toutes les jonques avaient fui ou s’étaient cachées dans les criques des côtes voisines ; mais bientôt après elles étaient revenues à leur mouillage habituel, et les cales de déchargement de la ville avaient repris leur activité accoutumée.

Les rues transversales aboutissant a la colline se terminent invariablement par des escaliers de pierre, qui conduisent à des pagodes et à des bonzeries dont les immenses toits, les rampes sculptées, les lanternes en forme de pyramide se cachent à demi sous le feuillage des pins, des lauriers-camphre et des cèdres. Simonoseki est renommée pour l’antiquité et la sainteté de ses pagodes ; il est probable que les Japonais affectionnent ce lieu pour leurs sépultures, si l’on en juge par les milliers de tombes qui couvrent la colline autour des bonzeries. Comme la plupart des cimetières de l’Orient, ceux des Japonais ont un cachet particulier de grâce et de poésie. Toujours situés dans un lieu pittoresque, ils se groupent à l’ombre de grands arbres, sur la pente d’une colline d’où l’on jouit d’une agréable perspective. Les tombes sont figurées par des pierres rectangulaires, plantées verticalement en rangs serrés ; la partie supérieure est souvent façonnée en forme de fleur de lotus ; sur la face latérale sont gravés en caractères chinois les noms du défunt ; à la base, une ou deux petites cavités creusées dans le soubassement de la pierre recueillent l’eau de la pluie et forment des citernes où l’âme viendra la nuit se désaltérer. Devant les tombes les plus fraîchement creusées, de petits vases formés d’un morceau de bambou fiché en terre renferment des bouquets de fleurs