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désarmée, était un grand ouvrage encore inachevé ; dans l’autre, sept pièces ont été enclouées. En poussant dans l’intérieur de l’île, un détachement de nos marins, tombant sur un corps de garde que les Japonais évacuent au moment même, y a trouvé un complet assortiment d’armures de guerre.

A neuf heures, tandis que des détachemens retournent aux batteries pour embarquer les dernières pièces, les amiraux montent à bord de la Coquette, et, se dirigeant vers le mouillage des corvettes, vont reconnaître le détroit dans tout son parcours. La Coquette passe auprès des corvettes, leur communique l’ordre d’embarquer les pièces enclouées sur l’île, et, défilant en vue du château de Kokoura, dont les murs s’élèvent sur la côte de Bouzen, au pied des montagnes, franchit le dernier coude du détroit. Les commandais en chef peuvent constater que désormais le détroit est libre et sans obstacle jusqu’à sa sortie dans la mer de Chine. Ils sont à peine revenus à leurs bords que la nouvelle se répand que l’ennemi demande à parlementer. À ce moment toutefois, le Tancrède, mouillé quelque cent mètres en avant des faubourgs de Simonoseki, est assailli de quelques coups de fusil tirés des pagodes. Il y riposte aussitôt par quelques volées de mitraille ; mais bientôt le pavillon blanc, arboré au grand mât de tous les navires, vient annoncer la suspension momentanée des hostilités.

La conclusion d’une suspension d’armes est confirmée quelques heures après. Un envoyé du prince de Nagato, accompagné de quelques officiers, s’est présenté vers midi à bord de l’Euryalus, où s’est rendu immédiatement le contre-amiral Jaurès pour le recevoir conjointement avec l’amiral Kuper. L’envoyé, introduit auprès d’eux, s’est prosterné à leurs pieds, témoignant ainsi d’une façon tout orientale de l’infériorité que lui a donnée vis-à-vis des chefs étrangers le sort des armes. Le délégué du prince de Nagato est un de ses karos (le karo est le principal dignitaire attaché à la personne d’un daïmio, son premier conseiller) ; il a déclaré que son maître n’avait attaqué les étrangers que d’après les ordres formels du mikado et du taïkoun, que les hostilités étaient donc le résultat d’une méprise, enfin que le prince renonçait à la lutte. Les commandans en chef lui ont dicté un projet de convention que devra accepter immédiatement le prince, convention stipulant la libre ouverture du détroit et le paiement d’une indemnité comme remboursement des frais de la guerre et rançon de la ville de Simonoseki, jusqu’alors épargnée. Une première condition de la suspension d’armes, exécutoire le jour même, est la reddition des canons encore en batterie sur Kousi-saki et tout autre point de la côte du détroit. Le karo est reparti après la conférence, promettant de