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secret, porter à Yokohama la nouvelle de ces résultats. C’était le vice-ministre Takemoto-kaï-no-kami, homme intelligent, de manières conciliantes, et qui, à l’époque d’une meilleure entente, de 1860 à 1863, avait déjà tenu de nombreuses conférences avec les représentans étrangers. Takemoto paraissait avoir joué un rôle important dans les derniers événemens, qui l’avaient ramené aux affaires avec les hommes de son parti. Il paraissait posséder la confiance du taïkoun, ou, si le taïkoun en personne ne gouvernait pas, du nouveau conseil qui dirigeait les affaires. Ses confidences décidèrent les ministres étrangers à persister dans leurs desseins. Le danger, éloigné momentanément, pouvait reparaître. Le daïmio de Nagato restait encore impuni dans ses domaines : il est vrai que le nombre de ses adhérens s’éclaircissait de jour en jour, grâce à ses propres excès. Le prince avait dans ces derniers temps tiré sur un vapeur du daïmio de Satzouma et fait exécuter un officier de ce grand personnage. La tête de la victime avait même été exposée sur une place d’Osaka avec une inscription désignant le malheureux officier comme un ami des étrangers. Des jonques marchandes passant le détroit de Simonoseki avaient été arrêtées, brûlées, et les capitaines mis à mort. Tous ces faits avaient enfin ouvert les yeux du mikado. Au dire de Takemoto, le taïkoun avait reçu de Kioto l’ordre de châtier le prince rebelle. Or Nagato se disposait à la défense, et Satzouma, Higo, Bouzen, ainsi que quelques autres daïmios, devaient réunir les troupes destinées à marcher contre lui.

Mis confidentiellement par les ministres européens au fait de leurs résolutions, Takemoto parut approuver l’expédition projetée. Tandis que le taïkoun ferait acte de vigueur, les étrangers, en prenant les armes contre l’ennemi commun, contribueraient à raffermir le parti qui leur était favorable. Il demandait seulement que l’expédition fût tenue secrète jusqu’au lendemain de son départ : à ce moment, le gouvernement de Yédo, officiellement prévenu, protesterait pour éloigner toute idée de complicité aux yeux de la nation, mais trop tard pour arrêter les flottes alliées.

Dans les derniers jours de juillet 1864, le paquebot anglais déposa à Yokohama, à la grande surprise des autorités, deux Japonais vêtus à l’européenne, qui se dirent officiers de Nagato. Ils ne venaient pas de leur province, mais bien de Londres, où ils avaient passé quelques années, étudiant notre civilisation et nos sciences. Informés, disaient-ils, des événemens qui se classaient dans leur pays et de la conduite de leur suzerain, ils n’avaient pas hésité à quitter l’Europe. Naturellement convaincus de ce que la politique de leur maître avait de dangereux, ils assuraient pouvoir obtenir de