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au pouvoir militaire l’initiative des réformes légales, et où tout part d’en bas pour s’établir par l’usage avant d’être sanctionné par les lois !

Newark n’appartient pas à l’état de New-York ; comme tous les faubourgs situés à l’ouest de l’Hudson, il fait partie de l’état de New-Jersey, régi par une législation différente. Les cours fédérales, chargées d’appliquer la constitution des États-Unis, ont pu suffire, en temps de paix, à faire respecter dans chaque état l’autorité du gouvernement ; mais depuis la guerre le territoire tout entier de l’Union a été divisé en grands commandemens militaires, dont les chefs sont les vrais représentans du pouvoir fédéral. Bien que le général Dix donne aujourd’hui un exemple salutaire, le peuple de New-York en paraît irrité. On s’attendait ce soir à une émeute sur l’autre bord de la rivière. On ne croit pas qu’il se passe beaucoup de semaines avant que le sang coule une seconde fois dans les rues. Les démocrates chauffent le four et espèrent que leurs adversaires tireront les marrons du feu. Tandis que l’administration annonce l’énergique propos de persévérer jusqu’à la soumission du sud, ils affectent de promettre au peuple une paix facile. Savez-vous à quelles conditions ils espèrent obtenir le retour arrogant du sud à l’Union ? Ces conditions ont été proclamées l’autre jour par des émissaires confédérés dans une convention tenue à Niagara. Il s’agit de reconnaître la dette confédérée et de l’ajouter à celle du nord ; il s’agit de fortifier l’esclavage en lui donnant des garanties nouvelles ; il s’agit en un mot de payer les frais de la rébellion. Ce serait pour arriver à ce beau résultat qu’on aurait fait trois ans de guerre, dépensé plus de dix milliards, troublé le commerce, ébranlé les fortunes privées, violé enfin bon nombre des principes de l’ancienne liberté américaine. Quoi qu’en puissent dire les gens charitables qui se prennent d’indignation à la vue de cette guerre fratricide, il faut savoir ce que le mot de paix déguise et comprendre qu’il n’y a plus à l’heure qu’il est de salut, d’honneur ni de justice sans l’abaissement de la société du sud. Il ne s’agit pas, comme se le figurent chez nous des imaginations toutes pleines encore des terreurs de 93, d’élever dans Richmond une guillotine où l’on fasse monter les chefs de l’aristocratie esclavagiste, il s’agit simplement de tenir bon jusqu’à ce que la place assiégée se rende ou s’écroule. Je m’indigne chaque fois que j’entends parler de la « grande cause du sud conservateur. » Le sud n’est conservateur de rien que de l’esclavage. Le nord, qu’on appelle révolutionnaire et qui pourrait s’en honorer dans une pareille cause, ne s’est armé que pour défendre la nationalité et la loi. Croyez bien que les hommes du nord sont les vrais conservateurs, et que cette guerre est pour eut un. devoir national ; quand bien même ils auraient la pensée d’humilier le dra-