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servir de base à leur ligne de conduite définitive. « Nous reconnaissons, disait en outre ce memorandum, la nécessité de consacrer la solidarité de nos intérêts par une entente cordiale fondée sur la communauté de vues et l’unité d’action. » Le ministre de France en effet s’était peu à peu rallié sans réserve à la façon de voir de sir R. Alcock. Quant aux commandans en chef des forces de la France et de l’Angleterre, moins pressés de mettre à exécution un programme trop en désaccord avec les instructions formelles de leur gouvernement, ils avaient tout d’abord à songer à la sécurité de Yokohama, qu’il faudrait en partie dégarnir. Chargés de la protection de cette ville et reconnaissant la nécessité de défendre avant tout le point où étaient accumulés tous les intérêts, ils attendaient, avant de prendre une décision, des nouvelles définitives de l’accueil fait aux propositions portées en Europe par les ambassadeurs du taïkoun, partis depuis quelques mois.

D’importans événemens ne tardèrent pas cependant à se produire. A la suite d’une tentative d’empoisonnement sur la personne du taïkoun, un changement s’opéra tout à coup dans la composition de son entourage. Une sorte de révolution de palais éloigna brusquement des conseils les hommes ennemis des étrangers ; des daïmios dévoués sincèrement aux véritables intérêts du gouvernement les remplacèrent. Une circulaire annonçant ces graves mesures, et que nous croyons devoir reproduire, fut envoyée après ces événemens par le taïkoun aux daïmios dont les résidences entourent son palais de Yédo.


« Notre cœur s’est ému des craintes et des frayeurs du peuple. Nous ne pouvons pas dire que ces craintes et ces frayeurs aient été vaines. Si les dieux kamis ne protégeaient pas le Japon, Yédo aurait pu être brûlée et voir ses habitans dispersés. Que la facilité avec laquelle nous sommes sortis du danger donne de la confiance au peuple pour tous les dangers de l’avenir !

« Depuis que le ciel et le mikado m’ont confié le gouvernement de l’empire, que n’ai-je pas fait pour satisfaire tout le monde ? N’ai-je pas rendu les voyages des daïmios à Yédo plus rares et plus faciles ? N’ai-je pas donné l’exemple des économies ? N’ai-je pas fait deux voyages à Kioto en moins de douze mois pour m’entendre avec le mikado et les daïmios sur les moyens de rendre le Japon fort et prospère ?

« La raison exigeait qu’on me tînt compte de mes efforts, de mes anxiétés pour le pays. Si l’expulsion des étrangers par la guerre était chose si facile, au lieu de m’exposer à tant de troubles de tout genre, pourquoi ne l’entreprendrais-je pas ? On invoque toujours la volonté du mikado ; mais cette volonté ne peut être que conditionnelle. Le mikado n’a pas oublié que mes ancêtres ont autrefois chassé les étrangers du Japon et exterminé leurs partisans contre la volonté d’un très grand nombre de daïmios. Le mikado