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l’adresse de ce gouverneur Brown, de la Géorgie, dont on annonçait ces jours derniers la défection. Depuis longtemps, le gouverneur est las de la guerre ; depuis la chute d’Atlanta, il a retiré au général confédéré Hood les milices d’état qui avaient défendu la ville ; on a même dit qu’il avait fait au général Sherman des ouvertures pacifiques.

La nouvelle a été démentie, mais on y croyait à Richmond autant qu’à New-York. Les journaux virginiens ne trouvent pas assez de paroles amères pour cette Géorgie qui, après les avoir traînés à la sécession, les abandonne à l’heure suprême, quand leur cause est désespérée. Aujourd’hui le gouverneur Brown se justifie avec indignation des rumeurs injurieuses qui ont couru sur son compte, et nie absolument qu’il ait fait au général Sherman aucune proposition de paix. Je ne le crois pas aussi calomnié qu’il veut bien le dire. Si furibond qu’il ait été jadis pour la révolte, il a des terres encombrées de cotons qui expliquent sa conversion récente. Ce sont d’anciennes récoltes dont il n’a pu vendre les produits : encore quelques mois de guerre, et sa ruine est consommée ; la paix au contraire, une paix faite à propos, le sauve et l’enrichit. Notez enfin que, si la Géorgie veut se séparer de la confédération nouvelle, la théorie de la sécession l’y autorise. Quand les états du sud brisèrent le lien fédéral, ils nommèrent des conventions extraordinaires pour voter des ordonnances de sécession. Ce qu’a défait la dernière convention, une autre peut le refaire, et cette convention, il est au pouvoir du gouverneur Brown de la convoquer. Sitôt l’ordonnance annulée, l’état rentre en pleine possession de sa souveraineté démocratique, et se trouve, d’après la doctrine même de la constitution confédérée, affranchi de tout devoir de fidélité envers le gouvernement qu’il répudie. Il est curieux de voir la rébellion dissoute à son tour par le principe destructif qu’elle a invoqué contre l’Union.

Cependant le canvass se poursuit avec ses incidens accoutumés. Pour le moment, les grands meetings se taisent, et les citoyens se réunissent en petites conventions locales pour organiser leurs forces. Ils préparent le feu d’artifice des derniers jours, et l’on se demande encore avec anxiété s’ils n’y mettront pas des boulets de canon.

Il est difficile de dire quelle est précisément la force des partis, car, à mesure que l’heure de la bataille approche, chacun d’eux se vante de ses recrues nouvelles et de son triomphe assuré. Il y a ici, comme ailleurs, une masse indécise qui ne prend parti qu’à la dernière heure, et qui se trouve, en définitive, l’arbitre du combat. Pourtant, s’il est un pays où l’on puisse prévoir le résultat d’une