Le mouvement qui depuis quelques années entraine tant d’esprits sérieux vers les études antiques ne s’arrête pas. Ce n’est pas un de ces goûts passagers qui se lassent vite, un de ces caprices fugitifs qui ne durent qu’une saison. Il a déjà vécu plus qu’une mode et ne paraît pas près de cesser. Ne voyons-nous pas l’attention du public, qui d’ordinaire n’est sensible qu’aux charmes de la nouveauté, se laisser détourner sur des faits qui ont vingt siècles de date et s’étonner d’y prendre quelque intérêt ? Le culte de l’archéologie et de l’épigraphie compte plus de fidèles qu’il n’en a jamais eu. On publie tous les jours des traités nouveaux sur quelques points de l’histoire ancienne, et l’on traduit de tous les côtés les ouvrages de Mommsen, de Grote, de Merivale, qui étaient célèbres depuis dix ou vingt ans à l’étranger, mais que personne ne s’était encore avisé de nous faire connaître.
Parmi ces publications intéressantes, il en est deux sur lesquelles je voudrais appeler spécialement l’attention des lecteurs[1]. Ce sont deux ouvrages récens dont l’antiquité est le sujet, mais qui ne la prennent pas au même moment de son histoire, et surtout qui l’étudient d’une façon très différente. L’un est plus hardiment généralisateur, l’autre aime plus les détails curieux et piquans, le premier tourne davantage du côté de l’érudition, le second est franchement littéraire ; mais tous les deux se ressemblent par la sûreté des connaissances, par la fermeté et la netteté des conclusions, par l’intérêt que les auteurs ont su répandre sur des sujets sérieux, et plus encore par un air de bonne foi et de conviction qui donne tout d’abord à ceux qui les lisent l’envie de penser comme eux.
Dans le livre qu’il a intitulé la Cité antique[2] M. Fustel de Coulanges veut étudier la constitution primitive des anciennes sociétés. Pour être sûr d’arriver à leurs élémens essentiels, il remonte le plus haut qu’il peut dans leur passé, et il essaie d’atteindre à leurs origines. C’est une entreprise difficile lorsque on ne veut pas se contenter d’une hypothèse. Ces temps reculés n’ont pas d’histoire ; ils ne laissent d’eux le plus souvent que des légendes dont le sens échappe, des rites et des usages qui ont survécu aux croyances dont ils étaient l’expression, une langue dont les
- ↑ Si les travaux philologiques ne m’éloignaient pas un peu de mon sujet, je profiterais de l’occasion pour dire un mot de l’édition de la Cistellaria et du Rudens de Plaute que vient de nous donner M. Benoist. Ces essais font bien souhaiter que M. Benoist achève son ouvrage, et qu’il nous donne enfin un Plaute tout entier.
- ↑ , La Cité antique, étude sur le culte, le droit, les institutions de la Grèce et de Rome, par M. Fustel de Coulanges, professeur a la faculté des lettres de Strasbourg. Paris, Durand.