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ces questions que les sages surveillent sont loin encore d’être arrivées au degré de maturité qui les impose à l’attention publique. De cette nature sont les récentes complications allemandes. Nous n’avons point, quant à nous, dissimulé l’importance des récens succès et des tendances manifestes de la politique prussienne. La France ne peut point assister à la crise commencée en Allemagne sans avoir une politique préparée. Les esprits politiques en Europe, surtout dans les états moyens, comprennent bien la nécessité que créerait à la France un changement qui s’accomplirait, dans l’équilibre germanique, — et comme ce changement leur paraît inévitable, ils se préoccupent des desseins et des prochains mouvemens de la politique française. Un ancien ministre des affaires étrangères de Belgique, le chef du parti catholique, M. Dechamps, vient de publier sur cette situation un écrit remarquable. C’est du point de vue belge que M. Dechamps juge naturellement les rapports actuels de la France et de l’Allemagne. Il constate avec regret les faits très graves qu’ont révélés les derniers événemens. Les traités ont perdu la garantie solidaire des grandes puissances ; les faibles sont abandonnés sans secours aux entreprises des forts. Les traités ayant perdu leur autorité générale, les états moyens, qui ne devaient la vie qu’à ces traités, qui sont incapables de subsister par leurs propres forces, sont inquiétés et menacés dans leur existence. Leurs destinées ne dépendent plus que des mouvemens des grands états : ils sont à la merci des usurpations des uns, des besoins de compensation des autres. Le dualisme de l’Autriche et de la Prusse peut-il durer en Allemagne ? L’une de ces puissances prendra-t-elle sur l’autre une prépondérance décidée ? Prolongeront-elles leur accord par des concessions réciproques ? Le sort des états secondaires de l’Allemagne est attaché à la solution de ces questions. La Belgique doit s’inquiéter au même titre des variations politiques de la Prusse et de l’Autriche, car des mouvemens de ces puissances dépendent ceux de la France. M. Dechamps comprend bien en effet que la France ne peut point demeurer inerte en présence des déplacemens de puissance qui peuvent s’accomplir en Allemagne, Nous ne sommes point, quant à nous, d’une école qui se plaît à remuer les questions de frontière. Si tout le monde demeurait content en Europe du partage des forces tel qu’il existe actuellement, ce n’est point nous qui exciterions notre pays à le changer. Si l’Allemagne nous paraissait appartenir au peuple allemand gouverné démocratiquement par des institutions représentatives communes, ce n’est point nous qu’effraieraient les progrès de l’Allemagne vers l’unité, car nous sommes convaincus que les nations libres n’ont rien à craindre les unes des autres. Mais si quelqu’un veut changer à son profit les délimitations existantes, si un gouvernement allemand absolutiste, aristocratique et militaire, veut s’approprier la direction des forces germaniques, la France, suivant nous, ne pourrait assister inerte à de tels changement sans compromettre sa sécurité essentielle, sans encourir une déchéance funeste et honteuse. L’agrandissement de