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exposer eux-mêmes et défendre devant la chambre les affaires de leurs départemens ; la présence des ministres dans les chambres fortifierait les assemblées, à qui elle apporterait des lumières et inspirerait une utile émulation ; elle donnerait aussi au gouvernement une autorité plus directe sur les délibérations des chambres. En consentant à ce progrès, on ne porterait d’ailleurs aucune atteinte à l’esprit de la constitution, car déjà le gouvernement se fait représenter par un ministre, — le ministre d’état, — devant le parlement. N’y a-t-il point quelque chose de contradictoire dans la pratique actuelle ? Les principaux chefs de service vont à la chambre, et les ministres n’y vont pas ! D’autres critiquent le système de discussion de l’adresse. Ils préféreraient les adresses à l’anglaise, présentées et votées dans la même séance. Le système français, disent-ils, a l’inconvénient d’éloigner la discussion de ses objets et de ses conclusions pratiques. Il faut en trois semaines, et sans prendre haleine, discuter toutes les questions l’une après l’autre, sans rien résoudre, pour finir par n’exprimer dans un sens ou dans l’autre qu’une vague effusion. On dépense ainsi inutilement, comme en un exercice académique, un temps précieux ; on déroute et on fatigue les esprits. Mais si l’on changeait de système de discussion pour l’adresse, il serait juste cependant de laisser à la chambre la faculté de faire connaître son opinion au moment opportun sur les questions importantes. On obtiendrait ce résultat en rendant à la chambre le droit d’interpellation. Avec une représentation véritablement complète du gouvernement devant la chambre, d’autres questions s’élèvent : ne faudrait-il point par exemple viser à la constitution de cabinets aussi homogènes que possible ? Le ministère actuel possède-t-il cette qualité ? En allant ainsi d’une chose à l’autre, on voit jaillir les questions qui flottent en quelque sorte devant l’opinion publique et se former les rumeurs plausibles qui annoncent ou un perfectionnement de la constitution ou un mouvement dans le personnel du pouvoir. Vains bruits, visions décevantes pour cette fois ! Nous nous en tenons, en matière de progrès, au minimum de la vitesse. M. de Lavalette, on en conviendra, est parfait pour marquer ainsi le pas avec bonne grâce, en faisant le moins de chemin qu’il se peut. Sa circulaire aux préfets sur les communiqués est le modèle du genre, et nous la trouvons fort habile. La presse restera soumise à la loi draconienne des avertissemens ; mais avertissons le moins possible et répondons aux articles de journaux par ces articles qui doivent à leur provenance officielle le nom élégant de communiqués. A merveille ! et voilà les préfets passés écrivains par grâce d’état ! En attendant que les journalistes deviennent préfets, ce qui arrive en France au moins une fois tous les vingt ans, ils auront la consolation de voir les préfets devenir journalistes.

Quand en France la politique étrangère chôme, l’intérieur fournissant peu, il n’y a pas grand’chose à dire. Sans doute il y a aujourd’hui en travail de très graves questions dans la politique générale de l’Europe ; mais