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pense à tout ce qui a été fait par le gouvernement de Vienne dans la Hongrie, et dans l’Italie et à ce qu’il y fait encore, il est tristement ridicule de voir l’Autriche envoyer une armée pour délivrer le Slesvig et le Holstein de la domination du Danemark. Veut-on savoir comment cette grande puissance allemande se conduit dans les pays non allemands qu’elle possède : que l’on se rappelle le procès Saint-Georges, qui a eu lieu, il y a peu de temps, en Vénétie ; que l’on s’informe des causes de l’emprisonnement de Mmes Labia, Calvi et Montalban de Venise. Avant de se poser en libératrice sur les bords de l’Eider, l’Autriche n’aurait-elle pas dû renoncer à son rôle d’oppresseur sur les bords du Mincio ? le fait est que tant qu’elle gardera la Vénétie, elle sera relativement faible, et que sa politique continuera d’être inconséquente. C’est en se débarrassant du fardeau de la Vénétie et en se mettant d’accord avec la Hongrie, comme elle cherche à le faire en ce moment, que l’Autriche deviendra une puissance vraiment constitutionnelle et réellement forte. Tous les argumens, tous les droits, tous les intérêts, y compris ceux de l’Autriche elle-même, plaident en faveur d’un arrangement qui séparerait la Vénétie du gouvernement de Vienne. Cette séparation est le seul moyen qu’il soit raisonnable de vouloir employer pour mettre un terme aux souffrances actuelles et à la décadence, même matérielle, de la Vénétie. En ce qui touche l’offre faite par l’Autriche à Venise d’envoyer ses représentans au reichsrath de Vienne, elle sera toujours accueillie comme à Inspruck le serait celle de l’Italie d’envoyer des députés au parlement de Florence. Quant à moi, j’ai vu de trop près Milan se réjouir dans la liberté et Venise pleurer dans le deuil et la misère, pour ne pas appeler de tous mes vœux le moment de la délivrance de l’ancienne cité des doges, pour ne pas désirer de tout mon cœur l’arrivée de ce jour où son peuple, affranchi du joug étranger, célébrera avec une joie sans bornes la fête de sa réunion à l’Italie.

On connaît maintenant les principaux traits du contraste qu’offrent en ce moment les deux cités italiennes de Milan et de Venise. Dans la première de ces deux capitales, on voit une population contente et prospère, travaillant avec ardeur à développer tout ce qui constitue le bien-être matériel et moral d’un peuple. L’augmentation du mouvement commercial, la construction de nouvelles maisons, d’hôtels, de rues, de places, d’édifices, la formation de plusieurs nouvelles sociétés pour l’entreprise de travaux d’utilité publique, tout y atteste la prospérité du présent et la confiance dans l’avenir. Les écoles se multiplient, les élèves y arrivent en foule ; partout s’organisent des sociétés de secours mutuels, dont les classes ouvrières ont apprécié sur-le-champ l’utilité. Tels sont