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pour l’attaque de la compagnie de la légion étrangère retranchée dans les deux maisons situées en face, de l’autre côté du chemin. Aujourd’hui les rails de la voie ferrée traversent les fondations des deux maisons, détruites par l’incendie qu’y alluma l’ennemi. A quelques mètres de là se dresse une croix élevée sur la tombe des soldats de la légion étrangère massacrés le 2 mai 1863. Le premier travail de la contre-guérilla fut de fortifier le poste de Camaron. Des parapets en terre et en pierre furent construits pour abriter les défenseurs en cas de surprise. L’entrée principale fut couverte par un talus et des tonneaux remplis de terre. Les bois trop voisins furent coupés dans un rayon de plusieurs hectares pour dégager le terrain, mettre le quartier à l’abri de l’incendie, et pour allumer les feux de bivouac par les nuits humides. A peine les contre-guérillas y furent-ils installés que des maisons de bois s’y élevèrent par enchantement. A l’exemple de la Soledad, qui était devenue un gros bourg, et qui plus tard reçut de l’empereur Maximilien, à son débarquement, le nom de « Villa-Maréchal, » en souvenir des services rendus par le commandant supérieur de ce nom, Camaron se changea en un village animé. En un clin d’œil, les cantiniers, les maîtres de café, presque tous Américains d’origine, les Indiens des environs, y accoururent avec leurs marchandises, leurs liqueurs et leurs fruits. Tout d’ailleurs était hors de prix, et de simples cabanes, couvertes de grandes herbes du pays apportées à dos de mulet par les indigènes, construites en planches à peine rabotées et en pieux mal équarris, coûtèrent à leurs propriétaires 2 et 300 piastres (1,000 ou 1,500 francs) ; mais chaque industriel savait que la prochaine station de la voie ferrée après l’achèvement du pont de la Soledad s’arrêterait à Camaron, et que les voyageurs, trop heureux d’y trouver un morceau de pain et un toit de chaume, paieraient leur halte à prix d’or. Camaron offrait vraiment le coup d’œil de ces colonies nées d’hier dans les forêts vierges de l’Amérique du Nord sous la cognée des Yankees. Pendant l’hivernage, la chaleur est torride à Camaron ; les partisans français construisirent eux-mêmes de grands abris aérés pour les chevaux, qui souvent périssent d’insolation à cette époque, s’ils ne sont pas protégés par la fraîcheur des bois et le feuillage des arbres.

Dès les premiers jours de son installation à Camaron, un détachement de la contre-guérilla eut un sérieux engagement. Un convoi parti de la Soledad pour ce nouveau poste militaire, où il amenait trois voitures de provisions, du matériel pour le génie et les ouvriers du chemin de fer, s’était mis en route escorté de cinq fantassins et de vingt-deux cavaliers. A deux lieues de la Soledad, cette poignée d’hommes, trompés par les renseignemens des